1903 - 1982
Eduardo MALLEA
(Bahía Blanca, province de Buenos Aires, 1903 — Buenos Aires, 1982). À dix-sept ans, il publie sa première nouvelle dans la revue Caras y Caretas et renonce à ses études de droit pour se consacrer à la littérature. Pendant des années, il dirige le supplément littéraire de La Nación. En 1926, il publie un recueil de récits raffinés (Cuentos para una unglesa desesperada) et participe à la création de la revue Sur de Victoria Ocampo (1931). Un cycle de conférences prononcées en Italie en 1934 oriente son œuvre vers la quête de l'identité profonde de son pays. Fortement autobiographique, son essai Historía de una pasión argentina, (1935) est une méditation sur « l'Argentine visible - celle des gestes et des conventions, le pays vide », et « l'Argentine invisible - la vraie, qui sent, pense et bouge ». Dénonçant l'immaturité d'une certaine jeunesse, les “jeunes hommes morts”, dans les nouvelles de La Ville au bord du fleuve immobile (1936) ou se livrant à la satire de la bourgeoisie dans Fiesta en noviembre (1938), il défend l'idée d'une élite conservant les valeurs et la dignité de la société en général dans La bahía del silencio (1940). Après le succès de Cendres (1941), roman de la solitude pouvant conduire à la folie, « le mal argentin de l'incommunicabilité » lui inspire une bonne partie de son œuvre romanesque ultérieure. (Los enemigos del alma, 1950 ; Chaves, 1953 ; Simbad, 1957 ; El resentímiento, 1966 ; La Barque de glace, 1967 ; La penúltima puerta, 1969, etc.).
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 05.03.99
La postérité n'est pas toujours un juge intègre. Il lui arrive d'être oublieuse. L'Argentin Eduardo Mallea est, en France mais aussi dans son propre pays, la victime d'une telle négligence, dont il serait bien difficile d'expliquer les motifs. Mort en 1982 (il était né en 1903), journaliste, puis diplomate - notamment à Paris à la fin des années 50 -, lié à Borges, ami de Victoria Ocampo avec qui il anima la revue Sur, il est l'auteur de nombreux romans, récits et essais qui ont souvent pour cadre ou objet la réalité de l'Argentine. Pessimiste, Mallea ne se contente pas de retranscrire une vision désenchantée du monde. Même vouée à l'échec, la lutte pour le salut mérite qu'on y attache sa conscience et sa pensée. Il y a chez lui une hauteur de vue, un sens aigu du tragique de l'existence. Malraux et Camus, mais aussi Pascal et Kierkegaard ne sont pas loin. Admiré par Hemingway, Unamuno, Zweig et Gabriel Marcel, il mena également une réflexion sur les formes de la littérature.
Roger Caillois avait fait traduire, en 1965, dans sa collection « La Croix du Sud » chez Gallimard, l'admirable Chaves, récit à mi-chemin entre L'Etranger de Camus et le Bartleby de Melville. En 1971, chez Grasset, paraissait un autre très beau roman, La Barque de glace (réédition dans « Les Cahiers rouges », 1995). Puis plus rien, jusqu'en 1996, où les éditions Autrement reprirent Chaves, bientôt suivi de la traduction d'un autre roman Dialogues des silences ( Le Monde des livres du 23 janvier 1998).
extrait d'un article du monde
© le monde
La ville au bord du fleuve immobile
de Eduardo Mallea (Auteur)
Poche: 382 pages
Editeur : LGF (27 octobre 2004)
Collection : Le Livre de Poche biblio
Admiré par Stefan Zweig, Jorge Luis Borges et ErnestHemingway, l'écrivain argentin Eduardo Mallea (1903-1982) demeure encore trop peu connu du public français. Ce livre est peut-être son œuvre la plus caractéristique et la plus fascinante. Dans les avenues et les faubourgs du Buenos Aires des années 1930 se croisent des personnages et des destins qu'une étrange fatalité, au cœur de l'univers moderne, semble vouer à la solitude et au silence : Ana, l'enfant délaissée par son père, qui croit trouver dans le mariage une issue à son abandon ; Avesquin, l'émigrant autrichien qui finira par se murer dans le silence ; Jacobo, qui préfère ses chimères à la réalité... À travers des dizaines de personnages, dépeints avec une rare acuité psychologique, Mallea nous parle de l'homme moderne et dénonce une civilisation urbaine incapable d'imaginer son avenir.
Ce soir-là, au-dessus de la ville, lorsque le ciel fut complètement dégagé, un étrange phénomène se produisit, comme si l'on respirait une certaine félicité universelle, comme si l'air de ce crépuscule de la mi-avril avait apporté avec lui des messages au sens caché... [...] comme si dans cette ville où vivaient tant d'hommes solitaires, tant d'esprits résignés, tant de malheureux n'ayant point vu leur propre fruit mûrir en eux, tant de vaincus pleins d'ardeur, tant de jeunes en proie à une douleur ineffable, s'était brutalement répandue la rumeur que seuls renaîtraient un jour ceux qui auraient connu l'agonie dans le désert, la mort dans les affres du doute, et qu'ils se retrouveraient purifiés sur les terres de l'espoir où ils connaîtraient la joie."
"La Ville au bord du fleuve immobile, écrit entre 1935 et 1936, a ouvert de nouvelles voies à la littérature de langue espagnole de ce siècle. Par sa profondeur psychologique, il a su rendre dans leur totalité les caractéristiques de l'homme argentin, de l'homme américain."
La Ville au bord du fleuve immobile
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Chaves
de Eduardo Mallea (Auteur)
Broché: 97 pages
Editeur : Autrement (20 mars 1996)
Collection : Littératures
Au nord de la Patagonie, front pionnier, "débarque", un beau matin, un individu étrange muré dans son silence : Chaves. Et, dès le début, un tel silence a le don de déclencher la fureur des autres, de l'autre.
Cette "impassibilité", cette "gravité", Mallea narrateur va les faire vivre directement à son lecteur, son personnage ne s'exprimant qu'au style indirect ou à travers un discours intérieur. Chaves, c'est l'homme seul, mais conscient d'être seul au milieu des autres, tout aussi seuls, mais qui, eux, refusent d'admettre cette fatalité. Chaves s'inscrit parfaitement dans ce propos d'Eduardo Mallea, véritable définition de son œuvre : "Un roman pensé comme somme, comme but ultime de ces expériences extrêmes vers lesquelles chacun est entraîné par la concentration finale de sa propre vie, avec les idées les plus représentatives de ce qu'il a le plus valablement pensé, vécu, vérifié et découvert - que ce soit désespérant ou stimulant, vain et futile - dans la nature humaine."
Traduit par : Sylvia Bénichou-Roubaud
Le roman de Eduardo Mallea débute dans le Nord de la Patagonie où débarque un homme étrange« Chaves », qui ne parle pas. Très vite, sa différence embarrassera les autres ouvriers de la scierie dont la violence, quasi palpable ne changera en rien le comportement .
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Dialogues des silences
de : Eduardo Mallea
Éditeur : Autrement G
Genre : ROMAN CONTEMPORAIN
Présentation : Broché
17/01/2008
Pinas et son ami Gerardo Duran, deux Argentins unis par l'amitié, mais pas par la camaraderie, par des dialogues plus faits de silence que de paroles et d'échanges, font au fil des pages de ce court roman l'amère expérience d'une vie placée sous le signe de l'impossibilité de communiquer avec les autres. À travers son ami, puis dans sa chair et dans son esprit, Pinas prend peu à peu conscience de cette "agonie" (au sens premier du terme : angoisse, lutte, qu'Unamuno utilise pour définir "le sentiment tragique de la vie"), de cette mort de l'âme et de l'esprit qu'est toute vie renfermée sur elle-même, étrangère à tout. Dialogues des silences paraît après Chaves. Agata Cruz leur fera suite.
Traduction de l'espagnol par par Jean-Jacques Fleury.
On pourrait dire de "Dialogue des silences" que c'est un roman d'apprentissage à l'envers. Un retour en deçà même du point de départ. La description d'une fatale involution. L'histoire, ici, ne se termine pas au moment où l'apprenti, à l'aube de son existence consciente, est envoyé dans le monde pour mettre en pratique ou éprouver son jeune savoir. Dans le roman d'Eduardo Mallea lorsque le rideau tombe, le crépuscule est déjà avancé. Le héros vient d'en finir avec toutes les illusions - ou ce sont elles qui en ont fini avec lui. Parvenu au terme d'un vieillissement précoce, il a entrevu, dans la stupeur et la plus grande angoisse, l'inanité absolue de ce qu'il a pu, toute sa vie durant, penser, croire, ressentir ... L'histoire qui nous est contée semble être celle d'une amitié virile, de ce sentiment qui attache deux êtres, les livre au commerce des âmes et à l'échange des paroles.
Eduardo Mallea fait plus que raconter l'exil intérieur d'un solitaire: il fiche sa plume dans les tourments de l'Argentine
La maladie de l'âme est la vieille obsession de la littérature argentine. D'une encre sombre, elle dessine des paysages de haute solitude, ravagés par ce «sentiment tragique de la vie» dont parle Unamuno. Comme Roberto Arlt, Ernesto Sabato et tant d'autres spéléologues du vide existentiel, Eduardo Mallea (1903-1982) fut un maître du vertige qui signa une oeuvre débordante d'amertume. C'est en 1955 que la France découvrit Chaves, un joyau publié par Roger Caillois dans la collection La Croix du Sud, chez Gallimard. Un deuxième roman - La Barque de glace - sortit ensuite chez Grasset. Puis l'on oublia Mallea, qui s'en retourna danser avec les ombres sur des flots ténébreux dont il fut l'éternel naufragé.
Un ange noir plane sur ces Dialogues des silences, un récit fulgurant écrit au début des années 50. En moins de 100 pages, tout est dit: le mal d'être, le fiasco spirituel, la déroute des sentiments. Le héros, Pinas, est un frère de Meursault, un orphelin du bonheur qui vit cloîtré dans un appartement défraîchi de Buenos Aires, sous la lumière bleutée d'une aquarelle de Dufy. Pendant quelques jours, pourtant, il va croire au miracle: son ami Gerardo, qu'il n'a pas revu depuis dix ans, l'invite à des retrouvailles dans une lointaine province. Il s'y précipite. Enfin, il pourra briser les chaînes de sa solitude... Mais Gerardo n'est plus qu'une caricature de lui-même, un bourgeois superficiel, distant, «mince et épuré jusqu'à l'inhumain». Le retour dans la capitale argentine renverra Pinas à ses tourments et à son exil intérieur. Déchiré par «l'absurdité de toute chose et de toutes les choses», il s'embastillera dans un silence sans issue. Jusqu'à la folie.
Ce roman - desservi par une traduction parfois approximative - est un terrible huis clos, sous le signe du désastre. Avec, parfois, quelques éclaircies, quand Mallea peint l'Argentine profonde, ses montagnes à l'échine bleutée et ses champs noyés dans les «clartés sanglantes» du crépuscule. Mais on en reste là: c'est sur une sourde angoisse que se referme ce requiem de l'âme, où l'on redécouvre, quinze ans après sa mort, l'un des météores du roman latino-américain.
Dialogues des silences, par Eduardo Mallea. Trad. par Jean-Jacques Fleury. Autrement, 89 p., 59 F.
http://www.lexpress.fr/informations/requiem-pour-une-ame-malade_628335.html
Cendres
de : Eduardo Mallea
Éditeur : Autrement
Genre : LITTERATURE - DOCUMENTS
Présentation : Broché
Agata fit face au miroir avec sa bouche entrouverte, ses yeux grands, secs, et sa chevelure noire et soyeuse.Et elle passa lentement sa main sur ces cheveux et sur ces joues lisses et jamais caressées. Sans complaisance aucune, elle se détourna du miroir et se dirigea vers la cuisine ; là, elle souleva avec apathie le couvercle de la marmite. La vapeur brûlante enveloppa son visage de femme jeune auquel le manque de couleurs, une extrême pâleur et une maigreur prononcée, loin de l'enlaidir, ajoutaient un enchantement crépusculaire.". Cendres, considéré à juste titre par la critique comme le chef-d'oeuvre de Eduardo Mallea, est le récit d'une vie d'agonie, l'histoire d'une passion argentine, celle d'une femme, Agata Cruz, qui, au fil des pages de ce récit, se consume sans trop savoir pour qui et pourquoi. Cet être désemparé, "dont la voix est le silence", aspire à un tout dont elle ignore absolument ce qu'il peut bien être.Et pour nous communiquer son angoisse, les tourments qui la dévorent sans répit, elle sait trouver les accents d'un mysticisme qui, par ailleurs, lui est totalement étranger et dont elle ne peut espérer aucun secours. Agata, parabole de toute existence humaine... de notre existence.
Le récit de la vie d'une femme, Agata Cruz, qui se consume sans trop savoir pour qui et pourquoi. Cet être désemparé aspire à un tout dont elle ignore absolument ce qu'il peut bien être et communique son angoisse et ses tourments avec les accents d'un mysticisme qui lui est totalement étranger et dont elle ne peut espérer aucun secours. Une parabole de toute existence humaine.Traduction de l'espagnol par Jean-Jacques Fleury.
le 1 fevrier 1999
Considéré comme le chef-d'oeuvre de l'écrivain argentin, ce roman a pour décor le nord de la Patagonie, où l'auteur naquit en 1903 ... Mallea (fut un) peintre génial du néant ordinaire, qui n'eut de cesse de mettre en lumière la vanité et l'absurdité de toute condition humaine.
Lire - Alexie Lorca
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Les Rembrandt
de Eduardo Mallea (Auteur)
Broché: 100 pages
Editeur : Autrement (7 janvier 2000)
Collection : Littératures
''Mona semblait aussi vieille que la Hollande, sa jeunesse avait quelque chose de la grisaille définitive et mortelle de tout ce qui est éternel, et elle semblait surgir du fond des âges, être née aux origines de cette eau, de cet air, de cette odeur subtile et saumâtre dans laquelle baignait le couchant. Je mis son bras sur le mien mais sa main ne l'enserrait pas ; actuellement sa main ne pouvait rien enserrer. Nous nous assîmes à nouveau. Le vent du soir souleva sa courte chevelure, découvrant encore davantage son front dégagé [...]. Elle porta inopinément les yeux sur moi, fixa un instant les miens, puis, sans un mot détourna son regard vers les eaux. Je me rappelai les tremblements de son corps, quelques minutes auparavant, et passai mon bras sur ses épaules, mais, à l'instant, je me sentis ridicule, comme si tous ces gestes galants étaient déplacés et disproportionnés. Je retirai alors imperceptiblement mon bras''. Le jour de sa rencontre avec Mona, le narrateur sait-il qu'il ne verra sans doute jamais les Rembrandt dont il a tant rêvé ? Dans ce récit court et noir, Mallea nous donne une nouvelle fois rendez-vous avec ses personnages si brillamment obscurs.
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La barque de glace
de Eduardo Mallea (Auteur)
Poche: 291 pages
Editeur : Grasset (8 février 1995)
Collection : Les cahiers rouges
Dans une demeure de la pampa argentine, Rivas, un veuf, s'acharne à ne pas oublier sa femme Luisa. A ses deux fils, il raconte le premier bal, les baisers, tout un paradis perdu. Bientôt les mots lui manquent ; terrassé par l'oubli, l'inexorable absence, il s'enveloppe dans le silence, prêt à monter dans cette " barque de glace " vers la sérénité. En mourant, il deviendra cette Mémoire qu'il a perdue. On croise d'autres personnages, très pittoresques, dans cette superbe méditation sur la mémoire du grand écrivain argentin Eduardo Mallea, dont Kléber Haedens comparait l'œuvre à " une eau tour à tour brûlante, fraîche, qui entraîne avec elle le parfum des roses muscates mêlé à l'amour et au chagrin.
Traduction de l'espagnol par Léonard Vergnes.
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