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Fernanda Garcia Lao

 




Fernanda García Lao est née en 1966 à Mendoza en Argentine. Contrainte de s’exiler à Madrid avec sa famille en 1976, elle retourne dans son pays d’origine en 1993 et s’installe à Buenos Aires. Comédienne et dramaturge, elle est l’auteur de plusieurs pièces de théâtre ainsi que de nombreuses nouvelles. Elle a également publié plusieurs romans, dont La faim de María Bernabé qui a obtenu, en Argentine, le prix du Fonds national des arts. 


son premier livre traduit en français: La faim de Maria Bernabé est sorti de 6 octobre 2011 aux Editions La Dernière Goutte

son deuxième livre traduit en français: La Parfaite Autre Chose est sorti le 8 mars 2012 aux éditions La Dernière Goutte



Par larouge • Garcia Lao Fernanda • Dimanche 05/06/2011 • 0 commentaires  • Lu 2649 fois • Version imprimable

La faim de Maria Bernabé

La faim de María Bernabé
de Fernanda García Lao
Traduit de l'espagnol (Argentine) par Isabelle Gugnon






 
Broche:    
223 pages
Editions La dernière goutte
date de sortie: le 6/10/2011


Frondeuse, désespérément incomprise et obèse, María Bernabé est une jeune femme hors norme : ses désirs sont décapants, son humour féroce et son intelligence brillante. Mais c’est l’amour absolu qu’elle recherche en malmenant son corps, ce gros animal encombrant, tout autant que les adultes ectoplasmiques et lâches qui l’entourent. Elle mange, elle ingurgite, elle engloutit : c’est sa façon à elle de se révolter contre l’indifférence.

En voulant conquérir une place dans le cœur et le regard des autres, María Bernabé, véritable électron libre, va tout faire pour désintégrer les stéréotypes et le culte du corps. Au risque d’être dévorée par ses propres désirs.

un livre à ne surtout pas manquer




 

Par larouge • Garcia Lao Fernanda • Vendredi 23/09/2011 • 0 commentaires  • Lu 1455 fois • Version imprimable

à propos de "la faim de maria bernabé" 2

 
Par larouge • Garcia Lao Fernanda • Jeudi 05/01/2012 • 0 commentaires  • Lu 1846 fois • Version imprimable

à propos de "la faim de maria bernabé"

La Faim de Maria Bernabé

Fernanda Garcia Lao
La Faim de María Bernabé (Muerta de hambre, 2005), Fernanda García Lao, traduit de l'espagnol (Argentine) par Isabelle Gugnon, roman, éditions La Dernière Goutte, octobre 2011, 224 p., 18€.



(d'une traite, comme elle le précise dans l'avertissement liminaire) est obèse. Elle mange, ingurgite, se shoote à la nourriture, dans le but avoué de se faire exploser. « Mon corps est mon discours », dit-elle. À sa façon, elle lutte. Contre une vie de famille aisée et délétère, père adultère et mère alcoolique. La faim inextinguible de María est l'aveu du malheur, qui dans le livre de Fernanda García Lao, passe par l'ironie et la farce.
 
Durant son enfance, María est obsédée par ses deux petites voisines, des jumelles rousses et parfaites, reines de beauté. Sont-elles ses sœurs ? Ou simplement les filles de la maîtresse de son père ?  Qui, curieusement, est toujours appelée « Mother ». L'exploration de leur maison réserve quelques étonnements, et dans l'écriture, on glisse insensiblement de la « poupée » de chair que l'on exhibe sur les podiums à la poupée de celluloïd, « dure et orthopédique », qui se met à chanter lorsqu'on lui tape dessus. María, elle, n'est jamais lauréate des concours auxquels elle participe, concours réservés à sa « catégorie », durant lesquels elle croise la route d'enfants difformes, désignés dans le texte de manière géométrique, « Cercle », « Losange »... 
 
Les événements s'accélèrent, étranges mais plausibles : installation de la maîtresse et de ses jumelles au domicile familial, rencontre amoureuse et charnelle avec un certain Emilio, apparition d'un diététicien, internement psychiatrique. À ce stade, le lecteur tique. La forme de la narration adopte le cheminement d'un « processus digestif, partant du début - s'approcher d'une assiette - pour arriver à la fin - se débarrasser des aliments ingérés ». Mais les différents chapitres mêlent le passé et le présent dans la conjugaison, et également dans la diégèse. Tout semble tourner autour de la date du 25, ou du 26, on ne sait pas encore pourquoi, mais on n'a pas oublié l'incise de la page 73. Quelques petits repères nous ramènent sur un chemin psychologique, « à l'évidence, les règles avaient changé en mon absence. Elles évoluaient toujours sans la moindre explication. Et tout le monde paraissait s'y adapter naturellement. Tout le monde, sauf moi. L'humanité d'un côté et moi, de l'autre », à moins qu'il ne soit symbolique. Ou métaphorique. 
 
Les situations sont reprises et chamboulées, parfois en paragraphes entiers et similaires à ceux des premiers chapitres. Une voie de déchiffrement s'entrouvre peut-être : on a été avertis que la structure suivait le processus digestif, que l'on partait de l'assiette pour arriver à... la défécation, sans doute. Nous voici arrivés, peut-être, avec ce grand brassage de situations, au moment de la digestion elle-même : nous sommes dans l'estomac, les sucs gastriques sont à l'œuvre, tout est malaxé, redistribué. On a vu passer les plats. On a mâché et dégluti. À présent, on digère, on concentre, on transmue. On s'inquiète un peu, aussi, au sujet du chapitre à venir. Qui se conclut, ou presque, sur « Il n'est resté aucun vestige de ma vie. Tout a été liquidé comme pendant un grand repas en plein air. La table est vide, la nappe est sale, les chaises sont en désordre. Il n'y a aucune trace des invités ». La vie a défilé, organique et sensuelle, cruelle et violente. C'est bien à un parcours que nous avons assisté. Un parcours dont la solitude est la tache aveugle, ce fameux point qu'il convient de découvrir au centre du labyrinthe. La vie, la mort, l'ingestion et la digestion, voilà les méandres que nous avons suivis.
 
La partie finale, intitulée « Mon uvre » est une tentative de retournements multiples, en vortex. Qui est qui ? Qu'est-ce qui est vrai ? Inventé ? Et à quoi bon se poser ces questions pour un roman ? Même si l'on trouve dans ces ultimes pages une interprétation crédible à l'exclamation « she is a cross-eyed girl » de Mother et une explication tout aussi plausible à la réflexion de María Bernabé « J'ai décidé que tu n'existais pas. Je vais cesser de t'évoquer ». La lecture d'un tel texte n'est pas aisée. On peut y voir, tout simplement, le mal-être existentiel d'un personnage féminin. C'est sans doute un peu court. De même que la seule explication par la schizophrénie. Les allusions à la surdité, à un bandeau sur l'œil, le remplacement d'une « maman » inapte à son rôle par une « Mother » yankee prenant soin de ses jolies petites jumelles, la trahison du père, une phalange coupée et que l'on cherche à genoux, tout cela peut faire basculer l'interprétation, également, vers le politique. Peut-être. 
 
Christine Bini
 
(Cet article a été publié également dans La Cause Littéraire)  

source: http://cle.ens-lyon.fr/

 

Par larouge • Garcia Lao Fernanda • Jeudi 05/01/2012 • 0 commentaires  • Lu 1567 fois • Version imprimable

La parfaite autre chose

La parfaite autre chose

de Fernanda García Lao

Traduit de l'espagnol (Argentine) par Isabelle Gugnon






 

 

editions La Dernière Goutte
Date de parution : 8 mars 2012
Nombre de pages : 125
Prix : 15 €
ISBN : 978-2-918619-06-2
Genre : Roman



Le livre

« Elle trimballait sa traîne de future épousée et son ventre mûr jusqu’à l’autel. C’était épouvantable. Je me mariais. J’étais un idiot et, désormais, tout le monde le savait. Un seul rapport sexuel et j’en prenais pour perpette. »

Fernanda García Lao dévoile avec un humour féroce les malentendus fondateurs d’une destinée familiale et prête sa lucidité tonique aux personnages embarqués dans cette étrange odyssée collective. Ils ont faim de sens et de magie, à moins que ce ne soit de luxure et d’animalité sourde… Quelle folie les domine ? Quelle est cette parfaite autre chose qui permet de se métamorphoser en un être accompli et heureux ? Cette jolie chose convoitée tout au long de sa vie pour ne pas se sentir incomplet ?

Dans ce roman polyphonique, Fernanda García Lao mène l’enquête et revisite, en donnant corps à des personnages brûlants de paradoxes et de désirs, le thème du fruit défendu.

L’auteur

Fernanda García Lao est née en 1966 à Mendoza en Argentine. Contrainte de s’exiler à Madrid avec sa famille en 1976, elle retourne dans son pays d’origine en 1993 et s’installe à Buenos Aires. Comédienne et dramaturge, elle est l’auteur de plusieurs pièces de théâtre ainsi que de nombreuses nouvelles. La parfaite autre chose est le deuxième roman de Fernanda García Lao publié par La dernière goutte.

Le blog de Fernanda García Lao: http://fernandagarcialao.blogspot.com

 

Par larouge • Garcia Lao Fernanda • Lundi 09/01/2012 • 0 commentaires  • Lu 1383 fois • Version imprimable

à propos de "La Parfaite Autre Chose"

 FAMILLE  JE VOUS HAIS
Fernanda Garcia Lao nous avait séduits avec la cruelle ironie de « La faim de Maria Bernabé », publié par la dernière goutte en octobre dernier. La maison d’édition strasbourgeoise nous délecte d’une seconde pépite de l’écrivaine argentine : La Parfaite Autre Chose. Nous y trouvons des personnages dévorés par leurs propres désirs, à la recherche d’accomplissements intimes, dont l’insoutenable légèreté se révèle, portée par une écriture jouissive au rythme haletant. Cette coute fresque familiale , en sept parties pour autant de narrateurs, peut se lire à la volée, pris par la brise folle d’un style étonnant qui entre en profondeur dans les méandres de la complexité, de troubles et d’honnêteté cynique de chaque personnage . mais aussi en jetant un œil aux procédés d’écriture de l’auteure qui dévoile une cuisine interne, « les lignes de conduite » de chacun (l’orgueil, l’illusion érotique), proches des contraintes formelles de Georges Perec. Un diamant brut. Drôlement décadent et intimement saisissant.  

Thomas Flagel

Par larouge • Garcia Lao Fernanda • Jeudi 29/03/2012 • 0 commentaires  • Lu 1217 fois • Version imprimable

à propos de "La parfaite autre chose"

 Née en 1966 à Mendoza en Argentine, Fernanda García Lao a été contrainte de s’exiler avec sa famille à Madrid en 1976. De retour dans son pays en 1993, elle s’installe à Buenos Aires. Actrice reconnue, elle est aussi l’une des grandes figures de la nouvelle scène littéraire sud-américaine. Dramaturge, Fernanda García Lao est également l’auteure de nombreuses nouvelles et de plusieurs romans, dont La Faim de María Bernabé et La Parfaite autre chose, tous deux primés en Argentine et qui viennent de paraître à quelques mois d’intervalle aux éditions de La Dernière Goutte.

Dans l’un comme dans l’autre, c’est au sein de la cellule familiale que se déroule l’intrigue. La Parfaite autre chose s’organise autour d’un drame domestique : le meurtre de l’un des protagonistes découpé en morceaux par un autre. Au lieu de mener l’enquête, Fernanda García Lao offre au lecteur un récit polyphonique et perspectiviste divisé en sept chapitres, chacun d’entre eux permettant à chaque personnage de raconter le déroulement des événements à partir de sa propre histoire. Ces hommes et ces femmes aux intelligences et aux vies vulgaires sont écartelés par leurs bassesses et leurs pulsions, tiraillés par leurs irréalisables aspirations spirituelles. L’avilissement est la norme :

 

« Alors dans un éclair d’horreur la lumière est revenue et j’ai découvert Adolfo, contorsionniste, coincé entre mes seins, les cheveux en bataille, son affreuse tête grimaçante, ses yeux révulsés. Il venait d’éjaculer en moi, c’était épouvantable, j’ai poussé un cri, il s’est évanoui. Que pouvais-je faire. Ce porc qui est aujourd’hui mon mari avait pris la place de Tancredo dans ma destinée. Il avait changé ma vie et transformé cet acte sublime en condamnation. Tout le merveilleux de la situation me semblait à présent lamentable et excessif. Cet être répugnant avait été nu à mes côtés. »

 

 Chez ces individus médiocres, l’élévation de l’âme est rendue impossible à cause de l’attraction du corps et de l’animalité qui le déchire. Fernanda García Lao pose un regard lucide et plein d’humour sur ses personnages qu’elle définit par des genres (l’orgueil, la liberté, l’illusion érotique…) dans une didascalie initiale, comme pour une pièce de théâtre. Pour mieux dénoncer leur ridicule et leur grotesque, elle utilise un langage parlé qui n’est pas sans rappeler le guignolesque célinien. La langue est d’ailleurs le point nodal de ce livre, les personnalités se construisant au travers des mots qu’elles utilisent. C’est sans doute pourquoi Jessica, la femme révoltée, l’artiste, affirme que « quand on apprécie le sens des mots, il ne faut pas les forcer. Ils savent quand s’exprimer. » Malgré la mesquinerie qui les caractérise, ces personnages gardent l’espoir d’une vie meilleure, ou du moins celui d’atteindre une certaine sérénité. Ce sentiment de complétude, ils ne l’éprouveront qu’en tombant par hasard sur cette parfaite autre chose, aussi mystérieuse qu’inattendue, dans laquelle se cache le secret du bonheur. Rares seront ceux qui auront cette chance…

Le travail déjà effectué par Fernanda García Lao sur la forme et la langue dans La Faim de María Bernabé prend avec La Parfaite autre chose une dimension supérieure et confirme l’originalité d’une œuvre en cours de construction.

par Eric Bonnargent dans LMDA 
http://www.lmda.net/ 

et 
http://anagnoste.blogspot.fr/ 

merci Eric !!



Par larouge • Garcia Lao Fernanda • Mardi 12/06/2012 • 0 commentaires  • Lu 1149 fois • Version imprimable

entretien avec Fernanda Garcia Lao

 Entretien avec Fernanda García Lao (traduit par Mélanie Gros-Balthazard)

 

1. Comme dans La Faim de María Bernabé, la déliquescence de la famille est au cœur de La Parfaite autre chose. Les enfants semblent être les victimes de la violence physique ou psychologique qui, au lieu de l’amour, unit leurs parents. Pourquoi ce thème est-il si présent dans votre œuvre ?

 

Je crois que La Parfaite autre chose présente un questionnement croisé. Je ne sais pas s'il existe un thème central. En tous cas, c'est le vide qui organise le récit, un certain désir de transcendance personnelle qui n'aboutit pas. Mais oui, il est vrai que le cadre que je choisis est celui de la famille. Je suis née dans les années soixante, c'est-à-dire à l'époque où ce noyau jusque-là sacré était en décomposition. La contradiction s'est installée au cœur de l'intime, les liens fondamentaux étaient en crise. Peut-être existe-t-il aujourd'hui une approche nouvelle  pour comprendre la famille, avec des rôles interchangeables moins stéréotypés qu'autrefois.  On assiste souvent à des débâcles personnelles ou extérieures qui trouvent leur origine dans l'enfance. Et lorsque l'on observe froidement la majorité des familles, on y trouve la reproduction des grands conflits sociaux en puissance : l'hypocrisie et l'abus de pouvoir sont généralement vécus d'abord à la maison. Pour ma part, je ne suis pas épique, ce sont plutôt les batailles domestiques qui m'intéressent. La haine en miniature. J'y trouve une usine à conflits d'une grande beauté pour construire la fiction.

 

2. Ignoble avec les femmes, Adolfo, qui compare son pénis à Dieu, inverse les rôles et affirme être leur victime (« Oui, les femmes m’utilisent et je les laisse faire »). Pourquoi faire si souvent de vos personnages masculins des êtres fourbes et lubriques ?

 

Chez Adolfo, il y a une volonté de parodie. J'ai pris le modèle de Don Juan, plouc et pathétique, et je l'ai confronté à sa propre débâcle : ce fut un exercice de pur plaisir. Ce type de mâle subsiste encore dans certains climats tempérés. De plus, le pervers suppose toujours que la victime est responsable. Il n'y a pas d'assassin ne justifiant pas son crime, ce n'est jamais de sa faute. Toujours celle de l'autre.

 

3. Les femmes, quant à elles, semblent subir leur corps et surtout l’image sociale qu’il renvoie et dont elles ne parviennent pas à se défaire. Eva rêve de perfection physique et, comme María Bernabé, Rosalin se débat en vain avec son obésité. Même Jessica, la femme révoltée, ne parvient pas à bien vivre sa féminité. Est-il si difficile d’être une femme heureuse ?

 

Difficile d'être heureux. Peu importe le genre. Dans le cas de la femme, malgré une certaine libération d'ordre plutôt sexuel et professionnel, elle reste assez esclave de la forme. Il existe une crainte atroce du temps qui passe, partagée par les hommes et les femmes, qui a transformé la société en une sorte de galeries de monstres : des vieux déguisés en enfants, des gros au régime, des jeunes filles qui vomissent. Le corps est devenu un objet de consommation, c'est-à-dire un bien rejetable. Mûrir manquerait de valeur. Les superficies se sont imposées. Tout se voit de l'extérieur, comme dans une boucherie de supermarché où rien d'autre ne compte que ce qui est sous nos yeux. Une belle enveloppe où se cache le néant. Pas le temps d'approfondir, personne ne veut souffrir et c'est pourquoi l'idiotie est monnaie courante.

 

4. Cretando affirme que, pour un homme, « être au monde, c’est avoir envie d’abîmer les choses. » Il est le seul personnage à avoir une certaine lucidité sur la nature humaine en général et sur la nature masculine en particulier. Pourquoi en avoir fait un personnage homosexuel ?

 

Je ne l'ai pas créé homosexuel, il est né comme ça. Je n'ai pas l'habitude de manipuler mes personnages, je les laisse être. Sa voix m'a raconté qui il était. Dans ce livre plus que dans tout autre, j'ai eu recours à la méthode automatique surréaliste. Il n'y a presque pas de correction. J'ai réussi à atteindre un certain état, j'ai pu me détacher et renier la fonction manichéenne du narrateur omniscient. J'ai gardé ce plaisir obscur pour d'autres livres.

 

5. Que ce soit dans La Faim de María Bernabé ou dans La Parfaite autre chose, vous empêchez le lecteur d’avoir un regard objectif sur vos personnages. La Parfaite autre chose est constitué de sept chapitres qui sont autant de points de vue subjectifs sur le drame que vous racontez. Seriez-vous tentée de dire comme Jacques Lacan que le réel, indépendamment de la manière dont on le perçoit ou on le conçoit, n’existe pas ?

 

Effectivement, la vision objective est impossible. Nous sommes victimes des versions : deux témoins ne voient pas le même accident. Cette liberté d'interpréter les faits est fondamentale pour faire de la littérature. Les généralités ne m'intéressent pas. De plus, dans les deux livres, il y a une tentative d'oralité sans intermédiaire. Je souhaitais travailler la première personne comme une caisse de résonance où l'insatisfaction et le désir n'avaient pas de filtre. Il y a une volonté confessionnelle, semblable à celle du dernier soupir. Le personnage s'ouvre avant de disparaître. La vérité face à l'abîme.

 

6. Vous faites plusieurs fois allusion à la corruption politique. L’Argentine d’aujourd’hui n’est-elle pas une démocratie comme les autres ? Est-elle encore prisonnière de ses anciens démons ?

 

La corruption politique est un vice implicite au jeu des pouvoirs. Je ne crois pas aux démocraties originelles. Et je ne parle pas de l'Argentine ou de l'Amérique Latine. Les partis politiques sont très peu démocratiques dans n'importe quelle partie du monde. Leurs financements obscurs. Leurs objectifs, tièdes. La liberté n'existe pas : on suit les intérêts des dirigeants en place.

 

7. Suite à son terrible forfait, Adolfo se fait évangéliste et Tancredo, le prêtre, estime que Dieu est son employé. Pourquoi vous en prenez-vous si violemment à la religion ?

 

À ce moment de notre échange, nous pouvons conclure que je tire sur tous les organes fondamentaux de l'organisation sociale : famille, État, religion (rires). La religion catholique est basée sur la cruauté et l'espionnage. Elle punit la différence, condamne la pensée individuelle. Je parle de l'Institution, pas de la figure du Christ, un personnage d'une désolation magnifique. Aucune religion qui tue au nom de Dieu ne mérite mon respect. Alors je crois avoir été fidèle à ce qu'elle inspire : la violence. En voilà de l'objectivité pure !

 

8. Pouvez-vous donner un indice aux lecteurs pour les aider à comprendre ce qu’est cette si mystérieuse « parfaite autre chose »… ?

 

Bien sûr que non.

 

 

La Parfaite autre chose. Éditions de la Dernière Goutte. Traduit de l’espagnol (Argentine) par Isabelle Gugnon. 15 €

La Faim de María Bernabé. Éditions de la Dernière Goutte. Traduit de l’espagnol (Argentine) par  Isabelle Gugnon. 18 €

 
par Eric Bonnargent dans LMDA 
http://www.lmda.net/

et  http://anagnoste.blogspot.fr/ 

merci Eric !!
 


Par larouge • Garcia Lao Fernanda • Mardi 12/06/2012 • 0 commentaires  • Lu 1241 fois • Version imprimable

à propos de "La parfaite autre chose" 3

Librairie Tournez la page

7 rue des princes - 35270 Combourg



22 juillet 2012

Fantaisie jubilatoire

 

la parfaite autre chose

 

Ce second roman de Fernanda Garcia Lao, paru à la Dernière Goutte, éditeur étonnant et brillant, surprend, charme et déroute tout à la fois. Quelque chose de Beckett : « en attendant la Parfaite autre chose » qu’on pourrait assimiler à l’impossible qualité que chacun voudrait posséder dans sa quête de perfection,  niant ainsi sa véritable personnalité. Un prologue amusant avec liste des personnages d’une même famille, qui constitueront autant de scènes, une écriture virevoltante dont la traduction est jubilatoire, un rythme enlevé qui sert à merveille le télescopage des points de vue des membres de cette folle famille. Chacun se raconte à son tour, justifiant son comportement par son rapport aux autres, et la transposition psychédélique de leur quotidien au fil de comparaisons absurdes voire provocatrices emmène le lecteur dans une lecture en boucle pour mieux appréhender la complexité de ce désir insatiable d’un accomplissement heureux. Un humour féroce éclaire cette fable si humaine.

 

 

Posté par Helenecamus

à propos de "La parfaite autre chose" 4

« La parfaite autre chose » de Fernanda Garcia Lao.
Garcia Lao, Fernanda, La dernière goutte 22 janvier 2013 de Librairie Ptyx
 
5
 Je prenais plaisir à offenser des femmes au hasard.  Faisais l’idiot pour m’attirer la confiance des gens.  Je suis un stratège.  Je suis un homme.  J’ai besoin de dormir au-dessus de quelqu’un.
Sept personnages se partagent la narration de « La parfaite autre chose ».  Adolfo, Eva, Adonis, Jessica, Isidro, Rosalin, Tancredo dès le début du livre se voient attribuer chacun une ligne de conduite (pour l’un l’orgueil, l’autre la liberté, etc…) ainsi qu’un chapitre.  Chaque chapitre est alors l’occasion d’un retour égotiste sur soi.  Frisant l’onanisme (dont l’auteur a l’amabilité de nous prévenir), la confession vire à l’auto-apitoiement.  Tous tentent sans le dire ni probablement même se l’avouer, de justifier d’abord leurs actes puis leur être.  Dans un récit comme haché, aux phrases courtes.  Dans une langue qui leur échappe, tout préoccupé de l’indulgence à s’accorder à soi-même.
La langue est un leurre. Parfois elle t’oublie. Elle te distrait et te fait croire que tu es important et sans t’en rendre compte, tu perds ton temps à essayer de te faire comprendre par d’autres imbéciles qui aspirent à la même chose que toi.
Tout occupé de soi et uniquement de soi, ils ne contemplent les autres que dans la mesure où cette contemplation justifie leur complaisance à leur égard.  Ne voyant chez les autres que ce dont ils se trouvent dépossédés, les en jalousant.
Tous avaient une vie, sauf moi.
Tous errent, comme à la recherche de quelque chose qui leur échappe et qui serait censée fonder leur errance.  Sans voir, dans leur tentatives désepérées de se créer par une logorrhée autocentrée, qu’ils ne peuvent y accéder par eux-mêmes mais bien par les discours et les regards d’autres.
Cette chose m’a regardée et j’ai été vue.  Pour la première fois, j’existais dans la mesure où cette chose me regardait.  La parfaite autre chose est mon commencement.  Elle n’a pas eu à ouvrir la bouche, car au commencement, il n’y avait pas de verbe.  Juste de grands yeux pleins d’éclats.
Qu’est-ce que « la parfaite autre chose »?  Un acte sexuel?  Le retour vers un Eden où rien n’est encore à expier?  Rien n’en est dit clairement.  Pas même qu’elle serait inatteignable.  Ni non plus qu’elle aurait une quelconque réalité.  L’auteure, en démiurge inspirée, tisse ici sublimement cette étoffe fragile dont nous sommes fait.  Loin de nos discours solipsistes, autant de tentatives d’être, à leur opposé même, c’est dans ceux des autres que se dessinent non pas les raisons ou les preuves, mais les causes mêmes de notre existence.
Feranda Garcia Lao, La parfaite autre chose, 2012, La dernière goutte.

source: http://www.librairie-ptyx.be/la-parfaite-autre-chose-de-fernanda-garcia-lao/

 
 

La peau dure

 

La peau dure 

Fernanda Garcia Lao  Isabelle Gugnon (Traductrice)






Editeur : La Dernière Goutte Editions
Date de parution: 2 mai
Genre: Roman
Nombre de pages: 175

Comédienne sur la touche, Violeta est dans une impasse : sa carrière s’enlise, ses amours sont un fiasco. Quand, à la suite d’un banal accident, elle perd une main, sa vie bascule soudain : même si elle a pu bénéficier d’une greffe, la cohabitation avec ce corps étranger est loin de se passer comme prévu, d’autant que sa main greffée semble dotée d’une personnalité singulière. D’où vient-elle ? A qui a-t-elle appartenu ? Et quel message tente-t-elle de faire passer à sa nouvelle propriétaire ? Bien décidée à découvrir la vérité, Violeta se lance alors dans une enquête pour le moins rocambolesque, à la recherche de celle à qui a appartenu sa main.

Métaphore de la difficulté d’apprivoiser l’étrangeté en soi, ce roman décapant explore avec humour l’insoumission des corps pour mieux dévoiler l’omniprésence des pulsions.


à propos de "La peau dure"

 La peau dure de Fernanda Garcia Lao aux éditions La dernière goutte
 
La main de l’autre
 
Le thème de la main qui échappe à son propriétaire et connaît une vie propre, est récurrent en littérature. Manière de s’observer, de se trouver autre tout en étant soi-même, introspection qui dessine les limites de notre connaissance curieusement dans le domaine qui devrait nous être le plus familier, nous-mêmes… L’auteure argentine, Fernanda Garcia Lao, en compose un court roman construit sous la forme d’un journal intime. L’ellipse y règne en maître : de longs mois sont oubliés, le décompte des jours est absent, mais les têtes de chapitre, toutes baptisées du nom d’un mois, annoncent le titre des sous parties, avec une clarté obscure qui titille l’imaginaire du lecteur, «passion mise à tremper», «des raviolis dans la pénombre», «peinture fraîche»… La narratrice a une vie qui semble ne connaître que des impasses, comédienne sans engagements, vie sentimentale qui pourrait ressembler à une chanson de Fréhel… jusqu’à un accident stupide, manque de soins au départ qui correspond à l’état de son existence, Violeta se retrouve à l’hôpital, amputée d’une main et bénéficiaire d’une première mondiale, la greffe. À qui cette main appartenait-elle ? Elle semble avoir une vie propre. Notre personnage très romanesque va tenter de le découvrir, ce qui donne la dimension d’une enquête policière au texte. Son imagination débordante nourrie de cinéma et de littérature la pousse à élaborer les hypothèses les plus rocambolesques. On sourit beaucoup, on se laisse porter par cette fausse légèreté. La peau dure, on retrouve le titre du roman dans une citation au cœur du roman, un extrait de Copi : tout l’art de Fernanda Garcia Lao est d’avoir su transposer l’esprit du dramaturge dans le domaine romanesque.
MARYVONNE COLOMBANI
Juin 2013
La peau dure
Fernanda Garcia Lao
La dernière goutte, 16 €

source: http://www.journalzibeline.fr/critique/la-main-de-lautre/

 

à propos de "La peau dure"

 Comédienne, Violeta traverse une mauvaise passe. Sa carrière piétine, elle est endettée jusqu’au cou et son fils en échec scolaire squatte son appartement avec une bande de goinfres vautrés devant la télé. Violeta a la peau dure, alors elle encaisse, jusqu’aux disputes bruyantes des voisins ; elle remplit à contre-cœur des fonctions de vendeuse dans une boutique de vêtements pour enfants. Et ce n’est pas l’accident dont elle est victime un matin (le volet mécanique du magasin lui écrase la main) qui la freinera. La douleur la taraude chaque jour un peu plus, mais elle tient bon, parce qu’il n’est pas temps de larmoyer sur son sort et qu’il lui faut courir les castings, aussi déprimants soient-ils. Jusqu’à ce que la terrible réalité s’impose à elle : la gangrène, l’amputation, et une greffe de main (un événement qui fait de Violeta une curiosité puisque la première d’Amérique latine). 
 
C’est à partir de là que le récit prend tout son sel, car ce membre greffé n’en fait qu’à sa tête. Plus belle que sa main propre, et rebelle, elle est bien décidée à mener Violeta selon ses désirs, saluant et touchant tel ou tel sans autorisation…  Comme “un morceau d’homme” (dirait Michaux) qui entend imposer sa loi à “l’homme total”, si bien que Violeta finit par se croire “l’invention de [s]a main”, “guid[ée] par cette fulgurante inconnue”. C’est bien le comble pour une comédienne… 
 
Pour Violeta s’ouvre dès lors une période de doute. Et ce n’est pas Greffés (une association de soutien psychologique pour greffés de tous poils, y compris de cheveux, d’implants siliconés et dentaires) qui résoudra son problème. Le mieux est peut-être de suivre cette main capricieuse qui la mettra sur la piste de l’identité de la mystérieuse donneuse, à moins qu’elle ne la mène vers sa propre part d’obscurité. Pour accepter son nouveau corps, et faire sienne cette main dont la peau est décidément plus dure que la sienne, il lui faut connaître son histoire : “J’ai besoin d’information pour composer le personnage, vous comprenez? Je suis actrice, je travaille avec mon corps. Je ne peux pas méconnaître ma propre main.”
 
S’il m’a semblé moins abouti que La Faim de María Barbabé, La Peau dure n’en est pas moins très plaisant, tant par le caractère de son héroïne, toujours battante, drôle et d’une “immoralité instinctive”, que par sa forme dynamique et éclatée, alternant le récit à la première personne de Violeta, des extraits de son calepin, des fragments d’improvisations ou de pièces loufoques qu’elle répète avec Jungle, Taille et Consuelo. 
 

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