Guillermo Saccomanno est publié pour la première fois en France. Né à Buenos Aires en 1948, d'abord publicitaire, puis scénariste de bande dessinée et de film, il décide de se consacrer totalement à la littérature. Collaborateur du quotidien Página 12, il dirige un atelier d'écriture réputé et très fréquenté. "77", a obtenu le Dashiell Hammett 2009 et en 2010.
77
Guillermo Saccomanno (Auteur)
- Broché: 290 pages
- Editeur : Editions L'atinoir (27 avril 2012)
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- Voici un roman complexe ; la mort rôde à chaque coin de rue et va se nicher dans l'âme de ses acteurs ; l'action interfère avec l'introspection et l'investigation des motivations et des pulsions de personnages qui agissent comme des animaux sauvages dans un monde qui prétend se régir par le rationalisme de la politique. Par ailleurs, il nous paraît clairement que l'introspection, cette volonté de se mettre sous le microscope le plus grossissant, n'est pas étrangère à la propre expérience de l'auteur. Pour que cette histoire ait une vie et un souffle, pour que ses personnages puissent émouvoir, Guillermo Saccomanno leur a cédé une partie de ses propres doutes, de ses remords et de ses convictions. Comme les meilleurs romans noirs latino-américains, "77" est aussi un roman métissé. Il doit une partie de son sang à de nombreux ancêtres. On y trouve beaucoup de Roberto Arlt, de Dostoïevski et de Sartre, sans oublier le grand Germán Ohesterheld, qui a marqué toute une génération de créateurs et de lecteurs argentins comme scénariste de bandes dessinées, un métier dans lequel Guillermo Saccomanno a commencé à se faire connaître là-bas, très loin et il y a bien longtemps. "77" est un miroir de l'obscurité dans lequel chacun verra ce qu'il est prêt à y voir.
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Guillermo Saccomanno: 77
Buenos Aires: Planeta, 2008. 280 págs. 9,68 €.
Écrit et traduit par Sébastien Rutés
Avant d’emporter en vacances le merveilleux Voyage de Sterling Hayden, j’ai lu 77, de l’Argentin Guillermo Saccomanno, qui a reçu cette année le prix Hammett que la Semaine Noire de Gijón décerne chaque année au meilleur roman noir en espagnol : le moins que je puisse dire, c’est que ce prix ne me paraît pas usurpé. On a beaucoup écrit sur l’horreur de la dictature argentine, en particulier les auteurs de romans noirs, mais rares sont ceux qui l’ont fait avec un pouvoir d’évocation aussi fascinant et terrifiant à la fois, à part peut-être des poètes comme Juan Gelman, entre autres. Saccomanno ne fait pas que parler de l’horreur : il l’incarne dans d’effrayantes scènes à valeur d’allégorie.
Un mois après la lecture, impossible d’oublier les pages dans lesquelles le narrateur silencieux observe danser pathétiquement le fils homosexuel d’un voisin tandis que résonnent au téléphone les cris anonymes d’un centre de torture ; ou celles où une voyante refuse de faire à une mère des révélations sur son fils disparu, parce qu’il est impossible de voir à travers les cagoules ; ou encore celles où un père impotent, victime d’une attaque cardiaque en essayant de se suicider après avoir appris la disparition de son fils, lance mécaniquement sa chaise roulante contre un mur pendant que sa femme se trouve dans le salon avec son amant…
C’est inutile : je n’arrive pas à faire sentir la force poétique autant que destructrice des images de Saccomanno !
Ce dont je peux parler, par contre, c’est du débat qu’il me semble que le roman instaure avec Nocturne du Chili, du chilien Roberto Bolaño. Les deux œuvres ont de nombreux points communs : leurs narrateurs sont des hommes de lettres, professeur de littérature chez Saccomanno, prêtre poète et critique littéraire chez Bolaño, deux homosexuels qui tentent de survivre dans la dictature et de préserver un mode de vie centré sur la littérature et l’omnipotence de l’art comme justification à la neutralité et l’inaction. Des efforts pour rester en marge de la guerre sale, perchés au sommet de leur tour d’ivoire littéraire où la neutralité politique et l’idéal de la beauté esthétique les préservent de l’horreur, qui leurs valent des destins différents. Pour autant, les deux romans posent les mêmes questions : existe-t-il une voie littéraire ? une troisième voie qui ne soit ni celle des militaires ni celle des révolutionnaires ? l’art peut-il être neutre ? en période de guerre civile, les tours d’ivoire littéraires existent-elles ?
Bolaño, désillusionné comme toujours, tranche catégoriquement : la prétendue neutralité de l’art conduit à se compromettre avec les bourreaux, comme l’illustre la scène finale de la maison de María Canales, dans les caves de laquelle les militaires torturent les soirs de veillée poétique. Saccomanno est bien moins catégorique : bien que les sympathies du professeur Gómez pour les premiers soient évidentes, dans son appartement se croisent guerrilleros et militaires, amis ou amants, et les lettres d’amour qu’y oublie une jeune révolutionnaire lesbienne finissent par y créer un espace poétique d’une inaltérable pureté au milieu de l’horreur, une mise en abyme littéraire où se réfugie le professeur pour trouver finalement la rédemption. Ce n’était pas le cas d’Urrutia, improvisé finalement professeur de marxisme pour l’état-major de Pinochet, et persécuté jusque sur son lit de mort par sa conscience et l’ombre de l’auteur. Pour sa part, Saccomanno, avec beaucoup de subtilité, laisse la porte ouverte à Gómez et ne prend pas position sur la question de la tour d’ivoire…
Il semble que 77 sera publié en France par L’Atinoir, ce dont je me réjouis d’avance.
Chose faite maintenant. (note de larouge)
source: http://www.europolar.eu/index.php?option=com_content&task=view&id=109&Itemid=33
L'Employé [Broché]
Guillermo Saccomanno (Auteur), Michèle Guillemont (Traduction)
- Broché: 169 pages
- Editeur : Asphalte Editions (8 novembre 2012)
- Collection : FICTIONS
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Dans une ville grise et jamais nommée, baignée par les pluies acides, vit une armée de travailleurs en col blanc, hommes et femmes, qui sortent tous les matins des bouches du métro pour regagner servilement leur bureau. Parmi eux, un employé, l'employé, est prêt comme les autres à toutes les humiliations pour conserver son travail... jusqu'au jour où il tombe amoureux et commence à rêver de devenir un autre.
Avec une préface inédite de Rodrigo Fresán.
L’Employé de Guillermo Saccomanno
19 novembre 2012
Par Luise Yagreld
L’employé, la femme, la secrétaire, le chef, le collègue… Les personnages de Guillermo Saccomanno dans L’Employé n’ont pas de nom. Seul le dernier enfant de l’employé a un surnom, Petit Vieux, surnom qui dit qu’il est déjà trop tard. Trop tard pour l’amour, trop tard pour le bonheur, trop tard pour la vie. Dans une ville quelque part en Amérique du Sud, une ville tombée à la violence, où les tueries dans les écoles alternent, inlassablement, avec les règlements de compte entre mafias, les cambriolages, les incendies, où les chiens clonés errent, féroces, où des femmes accouchent dans la rue, où la seule façon de s’en sortir est de ne pas sortir du chemin que le travail trace pour soi, dans cette ville apocalyptique, un homme a un geste de désespoir : il décide de tomber amoureux. Mais dans un roman où les personnages n’ont pas de nom et ne sont que des stéréotypes, les secrétaires ne sont pas fidèles et couchent, forcément, avant tout, avec les patrons.
C’est l’histoire d’un espoir anéanti, d’une vie qui tourne à vide, qui se cherche un sens et qui finalement le perd. Celle d’un homme écrasé par son travail, écrasé par sa famille, écrasé par lui-même. Si le travail, son rythme répétitif, ses exigences impitoyables, permet d’entrer dans le roman, c’est pour mieux souligner que tout l’univers de l’employé est semblable à celui de son bureau : petit, lâche, violent, sans avenir. Le travail devient alors la métaphore même d’une vie impossible à vivre et tout est fait à sa mesure : tous les hommes ne sont que des employés, toutes les femmes des secrétaires.
« Ils sont deux naufragés. Elle avec la honte d’une prémolaire en moins et lui avec son pardessus. La rencontre de deux hontes. Leurs destins devaient se croiser. C’était écrit. Mais où donc, se demande-t-il. Au ciel. Il imagine le ciel comme un grand ministère aux secrétariats infinis qui classent et rangent le destin des âmes. Quelque greffier céleste a détecté l’affinité entre deux dossiers, celui de la secrétaire et le sien. Pourvu que cette disposition ne relève pas d’une erreur ordinaire de la bureaucratie, de celles qu’il peut commettre, lui, au bureau, l’impair routinier qui constitue le début d’embarras sans fin pour la personne dont on traite le cas. »
Guillermo Saccomanno livre ici un roman très noir, dans une écriture sèche, qui maintient son lecteur à distance : non pas qu’on reste à l’extérieur du roman – au contraire, on se prend à imaginer que l’employé parvienne à être heureux, à vivre son histoire, à se libérer de sa famille, à envoyer chier son patron – mais on est glacé par la machine implacable qui écrase l’humanité. La dystopie fonctionne ici comme un cauchemar, comme un avenir qu’on voudrait conjurer. L’équilibre subtil entre banalités et événements hyperboliques, parenthèses pleines d’espoir et crudité violente, équilibre qui fait toute la richesse et la force d’écriture de l’auteur, ne fait que renforcer cette impression glaçante, car dans le déploiement de la fiction, c’est le fantôme de la réalité qui se profile.
L’Employé de Guillermo Saccomanno, éditions Asphalte.
source:
http://www.fauteusesdetrouble.fr/2012/11/lemploye-de-guillermo-saccomanno/
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