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Gabriel Bañez


 


(La Plata, province de Buenos Aires, 1951 — 2009). Journaliste, scénariste, nouvelliste, romancier et editeur.
Il dirige le suplement litteraire du journal “El Dia”; est éditeur chez “La Comuna ediciones tout en développant des activites comme directeur d’edition dans les editions de la municipalite de La Plata et dirige des ateliers litteraires.
Gabriel Bañez a obtenu le premier prix provincila “Roberto J. Payró pour son roman Parajes, la premiere mention de qualité au concours “Juan Rulfo”, Paris, pour son recueil de nouvelles Le cirque ne meurt jamais; il a été finaliste du prix “Planeta”, en Argentine, avec le roman Virgen ( editorial Sudamaricana).
Deux de ses oeuvres ont été traduites en français par Erich Fisbach pour les editions Alfil : Les enfants disparaissent, roman (editorial Atlantida) et Le cirque ne meurt jamais, nouvelles (Almagesto ediciones).
deux de ses livres ont été adaptés au cinema: Paradón, paredón, (editorial Sudamericana), par le réalisateur Guillermo Palacios et Los chicos desaparecen, (editorial Altantida), par le réalisateur Marcos Rodriguez.

 

Bibliografía:
“Parajes” (novela, Primer Premio Provincial de Novela Roberto J. Payró)
“El Capitán Tresguerras fue a la guerra” (novela, Ediciones de la Flor)
“Hacer el odio” (novela, Bruguera, reedición en Almagesto )
“Góndolas” (novela, Ediciones De la Flor)
“El curandero del cuarto oscuro” (novela, Sudamericana)
“Paredón, paredón” (novela, Sudamericana)
“Los chicos desaparecen” (novela, Atlántida y Editions Alfil) et est sorti avec une nouvelle traduction,le 21 janvier 2010 aux Editions La Dernièrre Goute
“El circo nunca muere” (relato, Almagesto y Editions Alfil)
“Octubre amarillo” (relato, Almagesto)
“Virgen” (novela, Sudamericana) "La Vierge d'Ensenada" sorti le 3 mars 2011 aux Editions La Dernière Goutte
“Cultura” (novela, Mondadori)
“La cisura de Rolando” (novela breve)  a obtenu le premier prix du premio letre sur, le 24 novembre 2008 et inaugure la nouvelle collection literae aux editions el ateneo qui fêtent ainsi leur centième anniversaire
Varios de sus cuentos integran antologías en México (UNAM) y en la Argentina (”Venus de Papel”, Editorial Planeta) y otras.

 
 

Par larouge • Bañez Gabriel • Mercredi 18/06/2014 • 0 commentaires  • Lu 3262 fois • Version imprimable

à propos 4 de "Le mal dans la peau"

 
Par larouge • Bañez Gabriel • Vendredi 11/10/2013 • 0 commentaires  • Lu 1555 fois • Version imprimable

Le Mal Dans La Peau

 

Le mal dans la peau 

Gabriel Banez  







  • Broché
  • Editeur : La Dernière Goutte Editions (5 avril 2012)


« Au loin, les brûleurs de la distillerie resplendissaient comme des bûchers dans la nuit. »

La nuit qui habite Damien Daussen est noire comme son amertume et sa médiocrité, et rougeoyante comme sa haine à l’encontre de tout ce qui vit et cherche à grandir. C’est à une plongée dans ces ténèbres que nous convie Gabriel Báñez pour exorciser le cauchemar d’une humanité indécente, sans rédemption, sans innocence. Car il fait sombre, parmi les hommes, quand le rire des enfants ressemble au rictus des bourreaux et quand les victimes jouissent, à l’instar de leurs tortionnaires, des coups qu’on leur assène. Qui dit conscience humaine dit pouvoir et prédation, et à côté d’une telle humanité, seules les bêtes apparaissent comme des êtres sans défense.

Une fable glaçante sur le mal qui, au-delà de la cartographie mentale d’un antisémite, s’avance tout au bord du gouffre de l’histoire des dominations et des violences politiques.



Par larouge • Bañez Gabriel • Mercredi 03/10/2012 • 0 commentaires  • Lu 1552 fois • Version imprimable

à propos de "le mal dans la peau" 3

 

Le Mal dans la peau, de Gabriel Báñez – éd. La Dernière Goutte

Le Mal dans la peau Banez 220x300 Le Mal dans la peau, de Gabriel Báñez – éd. La Dernière GoutteDamien Daussen a 25 ans. Ancien séminariste devenu veilleur de nuit à la faculté de médecine après avoir renoncé à sa vocation, il s’ennuie, végète. Passe ses journées dans une pension, où il regarde les autres s’agiter comme si rien ne le concernait. Sa vie s’écoule mollement, dans une torpeur décuplée par l’écriture sobre, descriptive et posée de Gabriel Báñez. Coincé dans la tête de Daussen, le lecteur a l’impression de voir tourner le monde de loin, de très loin, tant la froideur et le détachement du jeune homme le rendent imperméable au moindre sentiment. Pourtant, on comprend rapidement que quelque chose ne colle pas. Des remarques déplacées, des réactions dissonantes. Quelques indices, dévoilés avec parcimonie, qui laissent deviner son parcours intellectuel, marqué par la religion et des groupuscules d’extrême droite. Et une fureur tapie derrière la léthargie de la prose de l’écrivain argentin, qui surgit soudain, brusque déraillement, avant de disparaître aussi vite.

Pour Damien Daussen, qui se décrit lui-même comme une “âme orageuse”, la vie s’apparente à “un exercice stérile”. Alors ses obsessions racistes remontent ponctuellement à la surface, comme lorsqu’un soir, il barbouille des croix gammées sur les murs de l’université. Et puis, surtout, il y a Rachel. Rachel la juive, qu’il retrouve souvent, le temps d’une balade au zoo, d’un concert ou d’un après-midi à l’hôtel, sans pour autant s’attacher à elle. Daussen entretient des relations malsaines avec les femmes, et ne trouve son plaisir que dans des rapports sexuels dominateurs, furtifs, enragés, au “contact obscène de sa peau sémite” qu’il désire “comme s’il s’agissait d’une proie”. Gabriel Báñez détaille cette relation dérangeante et fascinante qui lie l’antisémite et la juive malgré leur répulsion réciproque, mélange confus de sensualité et de violence. Comme si elle renouait, dans sa soumission, avec la souffrance de son peuple martyr. Comme si lui éprouvait, physiquement, charnellement même, l’étendue de sa haine, en se fondant dans ce qu’il abhorre – “Nous cherchons tous à ressembler à ce que nous craignons le plus”, répète-t-il souvent.

Dans ce roman de 1985, Gabriel Báñez (1951-2009) choisit de ne jamais faire exploser ses personnages, ni de briser la monotonie de l’action. Son écriture lancinante lui permet de s’approcher au plus près d’un malaise diffus, cette une pulsion macabre qui se nicherait au fond de chaque homme. En arrière-plan, la sauvagerie de la dictature et son cortège d’enlèvements, de tortures et d’humiliations fait écho à la tumeur abominable qui enfle chez Damien Daussen. Mise en exergue du roman, la citation tirée du film Portier de nuit de Liliana Cavani résume bien ce texte glaçant :

“C’est une relation entre victime et bourreau : une escalade dans chacun des deux rôles, et où chacun finit par se dissoudre dans l’autre. C’est ça, l’ambiguïté qui fait partie de la nature humaine. Et c’est pour ça qu’il faut partir du nazisme qui, en filigrane, sommeille en chacun de nous, partir de l’ambiguïté de notre nature.”

HACER EL ODIO. TRADUIT DE L’ESPAGNOL (ARGENTINE) PAR FRÉDÉRIC GROSS-QUELEN, AVRIL 2012, 190 PAGES, 17 EUROS.

source: http://laccoudoir.com/romans/le-mal-dans-la-peau-gabriel-banez-4019/


Par larouge • Bañez Gabriel • Mardi 02/10/2012 • 0 commentaires  • Lu 1566 fois • Version imprimable

à propos de "le mal dans la peau" 2

 Gabriel Báñez, Le mal dans la peau

Pacte avec la haine
Romain Verger


Ce roman à la première personne — le troisième que les Éditions de La Dernière Goutte publient de cet auteur argentin — nous donne à partager les pensées et le malaise d’un antisémite à la haine vissée au corps. Pour Damien Daussen, la vie n’est qu’«un exercice stérile» et la sensualité se résume à «un chapitre de la violence».

 

Orphelin, Damien Daussen a été élevé par Macias, un homme estropié, ex-activiste d’extrême droite. Après avoir renoncé à sa vocation de séminariste auprès du père Anselme (considérant que «la religion ne devenait accueillante qu’une fois que tout était consumé. La croyance, elle aussi, est une forme indolore d’amputation»), Daussen assure les fonctions de veilleur à la faculté de médecine de la Plata, dont il taguera une nuit les couloirs de croix gammées. Sur fond de dictature militaire, Rachel (une jeune femme juive) et lui se retrouvent de temps à autres pour un concert, une visite du zoo, à la bibliothèque du quartier, ou se promènent sur la plage d’Ensenada, «au milieu des galettes de pétrole et des poissons boursouflés». Leurs rencontres ont des relents nauséabonds, parce que ces deux êtres ne s’aiment que pour se heurter l’un à l’autre, se conforter chacun dans leur identité et leur altérité radicale. 

 

Daussen ne connaît pas l’amour. Pour aimer, pense-t-il, «il faut toujours contraindre une partie de son esprit». Il n’envisage sa relation aux femmes qu’en dominant, ne jouissant que de rapports sexuels furtifs et violents. Pour lui, les femmes sont des «putes» ou des «chiennes» à soumettre, et sa façon de les aimer n'a d'égale que celle dont on maltraite les bêtes, telle cette girafe que des jeunes nourrissent de clous et de verre pilé, ou le chat Euclide que Daussen prend un malin plaisir à violenter («Euclide était à peine un chat»).

 

Parce que Rachel est juive et que l'excite «le contact obscène de sa peau sémite», Daussen fait de son corps la cible de sa détestation viscérale. Il ne l’aime qu’ «à cause de la saveur de ses lèvres sur mon sexe, à cause de ce baptême tiède qui gicle parfois sur son front ou sur sa joue et qui, atteignant sa bouche, lui fait dire qu’elle aime mon acidité, la forme chaude dont je la dessine.»

 

Et c’est l’aspect le plus fascinant du roman : ce magnétisme sourd et glacial qui unit ces deux êtres, en dépit de leur répulsion réciproque. Peut-être parce que, comme le pense Daussen, «nous cherchons tous à ressembler à ce que nous craignons le plus». La personnalité de Rachel n’en est pas moins complexe ; elle subit elle aussi cette attirance trouble pour le «sourire pervers» et les violences de son compagnon, s'y reconnaissant pleinement juive, «si juive qu’[il] ne pourrait jamais le concevoir» : «C’est avec toi que j’ai toujours su que j’étais juive. Jamais avant». Parfois elle se refuse, mais dans les humiliations répétées dont elle est victime, et en allant jusqu’à nourrir en son sein l’enfant de cette ordure, Rachel clame haut et fort son identité, ranimant par sa soumission consentie le martyre de son peuple.

 

Dans un style sobre, précis et abrupt, Le mal dans la peau est le portrait glaçant d’un homme qui, pour expérimenter organiquement toute l’étendue de sa haine, se frotte maladivement à ce qu’il exècre le plus.

 

 

Gabriel Báñez, Le mal dans la peau, La Dernière Goutte, 2012, 17€. Traduction : Frédéric Gross-Quelen.

 

 

 

 source:   http://anagnoste.blogspot.fr/2012/09/gabriel-banez-le-mal-dans-la-peau.html



Par larouge • Bañez Gabriel • Vendredi 07/09/2012 • 0 commentaires  • Lu 1533 fois • Version imprimable

à propos de "Le Mal dans la Peau

 Blog Olympique

Librairie Olympique - 23 rue Rode - 33300 Bordeaux -
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Notre sélection

Gabriel Báñez : Le mal dans la peau (Hacer el odio, 1985, traduit de l’espagnol- Argentine- par Frédéric Gross-Quelen)- Éditions la dernière goutte

Une Obsession maligne

Gabriel Báñez, dont les Éditions la dernière goutte ont entrepris de faire connaître au lectorat français sa prose rare, présente ici la vie au fil de l’eau d’un jeune antisémite argentin.

Damien Daussen, un ancien séminariste de 26 ans devenu veilleur de nuit à la faculté de médecine de sa ville, La Plata, vivote et s’ennuie. Son existence s’écoule platement, dans une espèce de torpeur d’où surgissent quelques indications sur son parcours d’extrême droite, ses obsessions racistes qui lui font, une nuit, recouvrir d’inscriptions antijuives, les murs de la faculté. S’y ajoutent des références répétées au feu mis à des livres, à l’incendie du théâtre argentin de La Plata.

Mais surtout, sa grande affaire c’est sa liaison avec Rachel, une jeune femme d’origine juive. D’emblée le couvert est mis : « J’admirai sa beauté impure et sémite » dit Daussen ; plus loin il parlera du « contact obscène de sa peau sémite», et du rapport inextricable entre sensualité et violence, qu’il exerce d’ailleurs contre Rachel.

Dans le marigot putride, aux vapeurs méphitiques où baigne son inconscient, la force de l’antisémitisme remonte soudain à la surface, comme une pulsion de mort qu’il ne peut contenir. La langue de Báñez, telle que rendue par le traducteur, ses phrases simples et directes, explicites et descriptives, concourent à cette impression d’un malaise permanent et diffus ; tapies comme la machinerie militaire à l’œuvre dans la ville - nous sommes dans la période de la dictature militaire argentine - les résurgences de la part abominable de l’humanité n’en sont que plus glaçantes.

Implacable dans le développement sans fin de la haine de soi et des autres, le mal dans la peau est le roman définitif sur l’antisémitisme.

Bernard Daguerre


 

 


Par larouge • Bañez Gabriel • Mercredi 11/04/2012 • 0 commentaires  • Lu 1385 fois • Version imprimable

critique de "les enfants diparaissent"

Les enfants disparaissent, de Gabriel Banez

 

Dans son quartier, le vieux Macias Möll est horloger depuis des lustres. Maître dans l'art de compter le temps, de le capter, de l'asservir aux rythmes de toutes ces montres, horloges ou autres pendules qui marquent avec régularité son écoulement sans fin.

 

Paraplégique, il se déplace dans son fauteuil d'handicapé dont, au fil du temps, il a fait une machine de plus en plus sophistiquée et perfectionnée qui lui permet de gagner du temps sur le temps.

 

Car Macias est un compétiteur ! Tous les soirs, à six heures, au milieu de la foule des enfants qui se pressent autour de lui, Macias s'élance du haut de la place et fonce dans son fauteuil, désormais transformé en bolide, jusqu'au bas de la rue. Avec pour objectif d'améliorer son temps, son temps record ! Passé sous la barre des quatorze secondes, il ambitionne de descendre au dessous de douze, sous les vivats des enfants qui jettent, à son arrivée, des papiers de caramels, en l'air, comme les confettis du succès.

 

Oui mais voilà, ces derniers temps, des enfants disparaissent après ces tentatives répétées de records. Après avoir constaté sur son chronomètre qu'il a réussi à abaisser son temps, les enfants l'ont entouré, félicité, ont jeté les papiers de caramels autour de son fauteuil.


Mais, peu après, il en manque un, ou deux, qui ne rentrent pas chez eux. Et la plupart du temps, il est le dernier à les avoir vus. Ce qui énerve les policiers et le rend suspect même s'il prend à cœur de trouver, lui aussi, des pistes pour une solution à cette énigme, découpant systématiquement les articles parus dans les journaux.

 

Avec son horloger champion de sprint en fauteuil roulant, Gabriel Banez ausculte le temps, le décortique en grains de sable s'écoulant d'un sablier, l'écoute dans les mécanismes compliqués de ces machines que Macias entretient pour lui.

 

Il arpente ses arcanes qui ne laissent aucun surprise quant à son écoulement inéluctable.

Il digresse sur l'intemporalité du temps, du présent au futur en passant par le passé. Le temps est immuable. Rien ne peut être fait contre le temps. Rien ne peut l'accélérer ou le retenir. Il est maître de tout. Rien ni personne ne peut y résister. Il est un mystère sur lequel buttent jamais et toujours.

 

Et le temps n'est pas à un paradoxe près. Ne peut–il pas être absurde voire impossible ? N'est-il pas à l'origine de réalités multiples ? Le temps n'ouvre-t-il pas la porte à des mondes parallèles ? Entre deux secondes qui sonnent, ne peut-il pas exister un autre temps dans lequel le temps pourrait nous projeter ? Nous soustraire à un temps présent pour nous rejeter dans un temps parallèle ? Une autre réalité correspondant à une autre choix du temps ?

 

Serait-ce ainsi que viendrait l'oubli ? L'oubli qui ne serait alors que l'équation du temps ?

Ce roman est vraiment excellent dans toutes les questions qu'il pose et fait poser.

Il est regrettable que Gabriel Banez n'ait pas su lui donner une fin.

 je ne suis, évidemment pas d'accord avec la dernière phrase de cette chronique. gabriel bañez a trouvé la fin de son roman et cette conclusion est magistrale.

la denière phrase de cette chronique fait penser que la personne qui l'a publiée n'a agit que par procuration, et a voulu mettre son petit grain de sel sans avoir lu le livre. c'est bien dommage.

la rouge


Par larouge • Bañez Gabriel • Dimanche 20/11/2011 • 0 commentaires  • Lu 2125 fois • Version imprimable

La vierge d'Ensenada

 

La Vierge d’Ensenada
de Gabriel Báñez
Traduit de l'espagnol (Argentine) par Frédéric Gross-Quelen

La Vierge d’Ensenada de Gabriel Báñez
Date de parution : 3 mars 2011
Nombre de pages : 318
Prix : 20 €
ISBN : 978-2-918619-01-7
Genre : Roman

 

Le livre

Ensenada : Babel grouillante du bout du monde, chaudron bouillonnant de luttes sociales et politiques. C’est sur cette terre gorgée de parfums, de sang, d’espoirs, de drames et de légendes que débarque Sara Divas, jeune juive fuyant le fascisme qui gagne l’Europe entière. Recueillie par le père Benzano, un curé atypique, Sara attire rapidement l’attention sur elle : la Vierge lui apparaît et d’étranges événements se produisent, que certains n’hésitent pas à qualifier de miracles. Au fil du temps, les liens entre Sara et le père Benzano changent de nature et les deux êtres se trouvent bientôt confrontés aux affres d’une passion interdite, tandis que dans le pays, le péronisme qui s’installe inaugure une nouvelle ère de répressions.

Chant d’amour évoquant l’Argentine qui change de visage, l’épopée des amants malmenés par l’Histoire est aussi celle de cette terre de feu et de ténèbres.

L’auteur

Ecrivain, journaliste et scénariste, Gabriel Báñez (1951-2009) a passé sa vie à La Plata en Argentine. Personnalité discrète mais majeure de la vie littéraire argentine, il a obtenu de nombreuses récompenses pour son oeuvre, dont le prix Letra Sur en 2008.

La Vierge d’Ensenada a été finaliste du prix Planeta en Argentine.

Le blog de Gabriel Báñez : http://cortey.blogspot.com


source: http://www.ladernieregoutte.fr/livres/la-vierge-densenada/



Par larouge • Bañez Gabriel • Mercredi 18/05/2011 • 2 commentaires  • Lu 4300 fois • Version imprimable

à propos de La vierge d'Ensenada

 
Odeurs de Sainteté

 Ici, le centre du monde est une petite ville d'Argentine, Ensenada, partido de la province de Buenos Aires, posée au bord de l'océan. Port d'arrivée mais aussi point de départ, elle fourmille d'une population cosmopolite   qui s'active de manière désordonnée autour de l’église Notre-Dame, mais aussi sur les docks et dans les quartiers mal famés où  se croisent marins, malfrats et prostituées, miséreux chassés de leur pays d'origine par les diverses dictatures qui naissent en Europe en ce début des années Trente. A l'image de l'Argentine, Ensenada se peuple au gré des navires qui y déversent leur flot de malheureux, Croates, Grecs, Turcs, Italiens, Allemands et ... Belges, comme Sara Divas et son père, un veuf, qui fuit l'antisémitisme et espère vendre des chapeaux. Le mouvement y est incessant, le tangage des coques des bateaux amarrés dans le port se transmet à toute la ville qui semble incapable de se figer ni d'offrir à ses habitants de hasard une quelconque stabilité. Même la figure paternelle ne résiste pas à cette impermanence : l'échec de son négoce  - dû à l'impossibilité de se faire comprendre : en effet, il ne parle pas l'espagnol - oblige Sara à chercher ailleurs l'équilibre auquel elle aspire.

Tous les hommes se font d'eau.

Cette phrase un peu sibylline s'impose à elle immédiatement, et ne la quittera plus. Fuyants, inconstants, ceux-ci peuvent-ils offrir un appui, à la petite fille de neuf ans qui erre dans les rues de la ville peuplée de migrants? Ainsi commence la quête de Sarita : celle d'une langue - elle veut oublier le français qui lui est odieux, mais aussi celle d'un lien humain, solide et subtil, stable et évanescent comme l'amour. Guidée par les odeurs, les voix qui murmurent de douces prières dans un idiome qui lui est encore inconnu, babillage mêlé de prières, elle parvient en un lieu qui deviendra son repère : l'église Notre-Dame de la Merci, dont le prêtre, Bernardo Benzano, la recueille. En lui elle ne reconnaît pas un père, mais, malgré son jeune âge, un homme aux beaux yeux gris et à la tête de marin. Entre eux se crée un lien qui tient autant de l'esprit et du coeur que d'une sensualité interdite mais qui se matérialise avec fugacité, comme les parfums à la composition desquels il l'initie :

Benzano lui enseigna les rudiments de la parfumerie artisanale et l'incita, par l'étude des essences de fleurs et de racines, à tenter de découvrir l'odeur de la sainteté. Elle passait des journées entières à distiller les extraits, à classer les pollens, et lorsqu'enfin elle se sentait sur le point de faire une découverte, elle enfermait le parfum dans de petites fioles de Funchal en verre bleu et filait se soumettre au verdict du prêtre. Benzano se penchait, ôtait le bouchon et, tel un oenologue du divin, plissait les yeux et laissait le parfum se répandre dans l'atmosphère. Il pouvait rester dans cette extase olfactive de longues minutes, des heures même : après s'être emparée des sens, la marée céleste inondait ensuite la mémoire en des recoins inexplorés, disait-il. C'est ainsi qu'il fallait savourer ce parfum. Ne pas se contenter de le respirer. Pour le sentir il fallait voyager. L'odeur de la sainteté était si rare et si sauvage qu'elle menait à l'innocence, un lieu, pensait Benzano situé quelque part entre les genoux et la ligne de flottaison de l'enfance.

Le parfum, fragile équilibre, rencontre immatérielle entre les sens, le mysticisme, la pureté de l'enfance, se grave dans le souvenir où il laisse une empreinte indélébile, plus qu'un corps, plus que la matière. Les fragrances éthérées de rose, de fleur d'oranger, de verveine, de genévrier se substituent aux caresses, aux effleurements, au contact des corps. Pour Benzano, le souvenir de la femme survit dans la mémoire d'une odeur, comme l'effluve sirupeux du corps d'une prostituée qu'il ne peut oublier.  Entre l'homme et la petite fille l'esprit installe un lien qui ne se concrétise que de manière éphémère, telle l'apparition qui se produit un jour : la Vierge, figure maternelle aux yeux tristes, lui est révélée. Preuve de son innocence – un thème très présent dans l’œuvre de Gabriel Báñez – elle est aussi la manifestation d’une féminité, car cette Vierge s’incarne ensuite en une femme, une prostituée que le prêtre et l’enfant surprennent en plein ébat avec le père de Sarita, et que le lecteur identifiera plus tard à Eva – Evita, prostituée avec laquelle Benzano entretient lui aussi une liaison. La Vierge est la femme, elle se fait chair ; l’erreur de Sara est aussi celle de tout le peuple argentin qui a pu voir en Evita Perón une figure angélique. Ainsi, la petite fille ne discerne pas le mal là où il se trouve ; cette pureté peut se communiquer à son entourage. Mais peut-elle survivre à l’irrémédiable fuite de ce temps bienheureux de l’enfance ? Les miracles font long feu. Comme les parfums s’évaporent et meurent, les liens qui se sont créés ne peuvent subsister au temps. L’amour filial qu’éprouve le prêtre pour l’enfant se mue en désir. Refusant de s’y livrer, il tente d’éloigner l’adolescente en la confiant à La Soupe de l’Enfant, une œuvre de charité à laquelle elle ne cesse d’échapper pour retrouver celui qu’elle aime.

  L’univers dans lequel se meuvent Sara et Bernardo est inconstant. Ensenada, petite ville tentant de prospérer à l’ombre de Buenos Aires, est comme un monde en réduction : on y parle toutes les langues, on les oublie aussi ; s’y rencontrent tous ceux qu’ont chassés de leurs pays les désordres politiques. Eva, la Vierge – prostituée, est l’épouse d’un certain Joseph Broz que le lecteur reconnaîtra ! Le roman fantasme l’Histoire qui s’entrecroise aux destinées individuelles, fondant une mythologie commune, tant se ressemblent les cataclysmes endurés par tous les peuples. La Vierge veille sur un monde en proie au malheur, aux guerres, aux dictatures existantes ou naissantes… L’amour ne peut s’y épanouir, tant chacun est conscient du rôle qu’il doit jouer. Le prêtre qui aspire à la sainteté, qui note scrupuleusement toute manifestation miraculeuse dont il est témoin, ne peut s’empêcher d’être emporté par la passion qu’il éprouve pour Sara. Il tente d’en dévier le cours en s’abandonnant à la sensualité de sa relation avec Eva, puis en s’éloignant le plus loin possible, dans une double quête : celle de la pureté et celle de soi-même. De cette fuite éperdue, de cette odyssée argentine, des lettres parviennent à Sarita, avec retard cependant : empreintes d’une poésie désespérée, elles reflètent aussi l’abandon progressif d’une conscience de soi. Bernardo Benzano renonce à son identité, puis l’oublie. Seul demeure cet amour passionné et déchirant, dont le témoignage occupe la fin du roman. Pietro Falcino, le mentor de Bernardo, n’a pu totalement se substituer à lui ; les missives qu’il envoie à Sara sont pleines d’amour, mais de folie aussi. La distance qui sépare les deux êtres semble s’y abolir, tant la jeune fille occupe les pensées, le cœur de celui dont elle est aimée.



finir la lecture ICI


source: http://annefrancoisekavauvea.blogspot.com/2011/03/odeurs-de-saintete-gabriel-banez-la.html


merci anne-françoise, je n'ai pas pu m'arrêter avant. elle est tellement belle ta chronique, que la couper en morceaux m'a fait mal au coeur.
j'ai quand même laissé le dernier paragraphe chez toi.

merci encore d'être et la personne et la lectrice que tu es.


 

 


Alain Giorgetti, écrivain, distille La vierge d'Ensenada

 
DISTILLATION DE LA VIERGE D’ENSENADA
Voyage à travers le roman de Gabriel Báñez
 
Alain Giorgetti
 
 
 
" Tu t’en approches, oui, mais la Vierge est plus diaphane encore », murmurait-il en revenant de ses périples aromatiques. (p. 24)
 
 
 
 
   Au début, tout était simple… L'esprit du romancier planait sur les eaux jaunes et boueuses du Rio de la Plata, avec la ferveur lente d'un nuage ou d'une vague inversée. Chaque chose était plus ou moins à sa place, et chacune de ces places avait un goût —maté cocido—, une couleur —fiebre amarilla—, une odeur —aparición del hinojo— et une saveur particulière —fábula. Certaines de ces choses avaient tout en partage, rédimant jusqu’à l’avènement des noms. Tout se malaxait lentement entre le ciel, la tête, et l’eau, dans un chaos digne du trafic à Retiro ou à Constitución. Les molécules volatiles, les germes précieux, les airs changeants qui nous constituent roulaient l’un sur l’autre leurs nuages chargés de fragments aiguisés comme des couteaux. Une évidence substantielle sourdait du monde tel qu’on le jauge depuis la rive de son balcon ou la terrasse d’un café. Le maelstrom local et universel explosait au ralenti pour retomber en pluie fertile sur le delta des fleuves, des assiettes, et des esprits. Le romancier vit que cela était bon. Il y eut des soirs, et il y eut des matins. Des jours où le bonheur et le malheur se marient, comme ces fragrances capables de recenser l’instant tissant ses strates d’angoisse et d’exaltation. Hors il arriva ce qui devait arriver. Un appel du devant de la tête. Un doute porté par les vents dominants. Le romancier ne pouvait plus résister à l’attraction. Il voulut savoir qui il était. Il voulut voir la trace que laissent, au crépuscule, ses pas sur la plage mordorée. Il voulut voir les mille et unes portes du néant se refermer lentement sur la réalité. Assis au bord du fleuve dulce de leche, buvant son maté amer et brûlant, il se mit à prendre quelques notes et le mascaret l’emporta comme fétu de paille. Pris par l’élan torve de son mouvement capital, il ne pouvait plus s’empêcher de pousser le regard. Se mettant à rêver entre deux phases, à voler vers le cœur nucléaire des choses, et à voguer jusqu’au départ le plus différé. Tout, autour de lui, se dissipait sensiblement dans les airs bons et les airs mauvais : Les souvenirs personnels, les histoires vécues, les dernières nouvelles, les feuilletons radiophoniques, les détails historiques, les batailles sanglantes, les statues héroïques, les bateaux d’immigrants, les caravelles de colons, la Croix du sud et l’étoile juive, le soleil Inca et le drapeau national, le visage de la mère et la mère du Christ, l’odeur de l’amour, et l’amour des odeurs… Ne laissant à nu qu’une trace jaunâtre sur le bord de l’horizon, les choses toutes les choses, semblaient promises à ce chaos aérien, à ce vibrant holocauste d’anges déchus et d’oiseaux carnassiers. Régnaient à l’entour une forte odeur de marais, de fleurs fanées et de viande grillée. Les relents du monde lui brûlaient les yeux jusqu’au cerveau ; jusqu’au délire. Le romancier avait perdu l’initiative. Désormais, les choses se déroulaient en même temps que leur contraire et prenait la forme de son livre. Si tout devait bien avoir lieu, alors ce serait deux fois. Si les choses devaient se faire et se défaire en même temps, alors ce serait à la manière d’un poisson nageant dans l’eau de sa propre cuisson. Comment reprendre la main lorsque celle-ci vous griffe avec l’aise du remords, du jaguarate ou de l’enfant guarani ? La mémoire du romancier était bien la plus faible et la plus féroce des créatures. Même si les formes, les goûts, les couleurs et les odeurs se volatilisaient au ralenti, c’était bel et bien leur ultime état chimique avant dissipation, comme si le goût du maté sombrait soudain à l’approche de son nom. Le romancier se devait de dire. Il devait rassembler les pierres autour du feu. Assis au bord de ce qui s’enfuyait déjà, il lui fallait faire, lui fallait refaire du quelque chose. Un parfum de rose n’est pas une rose, mais presque… Une vignette de la Rose mystique n’est pas la Rose mystique, mais presque… Un souvenir du passé n’est pas le passé, mais presque… Un enfant n’est pas tout l’avenir, mais presque… Un roman, n’est pas la réalité ! Mais presque. Le romancier décida que les choses toutes les choses, devaient avoir lieu deux fois. Pour ce faire il avait besoin de plusieurs milliers de petites fioles bleues, ainsi que de plusieurs hectolitres de benzène afin de, litre à litre, distiller tout le Rio de la Plata et le ranger sur une étagère. Toutes ces eaux jaunes, boueuses et maléfiques ainsi que tout ce qu’elles charriaient depuis toujours de hontes, de gloires, de cadavres, de vitamines, d’argents de Potosí et d’ors baroques… Capitaine débarquant du navire, le romancier devrait d’abord construire un fort, une église, une ville et un laboratoire de verre. Les choses toutes les choses, allaient devoir céder sous leur équivalent de mort et de chair fraîche. Une à une, elles passeraient sous les fourches caudines du nom et du registre. Ainsi aurions-nous en partage, s’exhalant des pages du livre, une certaine idée du magnolia, du fenouil ou de l’électricité.  
   Au début, tout était simple… Adam et Ève, Adán Buenosayres et Evita Perón, le papa et la putain… Sur  les unes et les autres, à la fois aimés et détestés le romancier ne se retournerait qu’en Orphée. S’il faut se tourner, s’il faut pleurer, alors que ce soit en chantant. Qu’il  soit permis de distiller les humeurs comme de véritables notes bleues, comme de subtils parfums. Qu’il soit permis d’offrir aux murènes voraces gisant dans notre ombre, un visage aussi fécond que l’avenir. Les choses toutes les choses, celles qui nous filent entre les doigts comme de l’eau sale, ne sont pas toutes d’or fin. Il y a plus d’une différence entre la croyance et la foi et les Hommes sont bien faibles. Ils sont touchants, ils sont touchés. Aussi instables que les alcools et les parfums, pareillement faits de 80 % d’eau et de rien d’autre, que d’eau. N’y étant point solubles en raison d’une densité différente, ils s’en séparent toutefois aisément en flottant, en errant et en dérivant depuis que le monde est monde. Venant de La Plata, Ensenada ou Berisso, on croisera sur la route de la Capitale fédérale, le vaste et coloré bario de Quilmes. Son nom est bien connu de tout amateur de bière de même que, blanche et bleue à l’instar du drapeau national —jadis adoubé par Manuel Belgrano quant à lui fervent laudateur de le Virgen de Luján—, cette fameuse étiquette contrecollée sur verre jaunâtre. Appartenant à un groupe belge bien que fondée par un allemand, l’usine de fabrication Cervecería y Maltería Quilmes est sise là depuis 1888. Éloge permanent du Maneken Pies de Bruxelles, on y distille la substance alcoolique la plus bue, la plus exsudée et la plus pissée de tout le continent sud-américain. Mais ce nom de Quilmes ne dit pas tout de ce qu’il devrait dire. Il est aussi plein de boue, de sable, d’or et de soleils offusqués. Se retourner, ici, s’asseoir sur le bord du fleuve ce serait peut-être laisser retentir des échos chargés de roches escarpées, de vents violents, de cris d’enfants et de douleurs poignantes. Avant les Incas et les Espagnols, ce nom tranchant était celui de l’ethnie andine qui opposa la plus forte et la plus durable des résistances aux conquistadores de tous poils. Après un siège épique basé sur un encerclement et une famine empruntée à Massada, les colonisateurs organisèrent la déportation pédestre du peuple Quilmes sur plusieurs milliers de kilomètres. En route pour Buenos Aires, de nombreux indigènes se suicidèrent pour échapper à l’esclavage, tandis que ceux qui arrivèrent sains et saufs, décidèrent de ne plus avoir la moindre postérité. Ils refusèrent certes d’apprendre langue us et coutumes espagnoles, mais surtout refusèrent-ils d’avoir des enfants, se condamnant ainsi eux-mêmes à une disparition rapide et programmée en une génération. Mis à part quelques pierres taillées et quelques ossements jaunis du côté de Tucumán, ne subsiste plus, en effet, que leur nom. 
   Au début, tout était simple… Mais au bout du compte nous demeurons bercés entre deux nuits. Noire d’encre et noire d’hydrocarbure. Noire d’angoisse et noire d’exaltation. C’est là où, parfois, perce la goutte de l’espoir à travers le delta des nuages. Les choses toutes les choses, sont de toutes les nuits et elles se balancent d’un bord à l’autre de l’Univers, d’une rive à l’autre de l’océan, d’un bout à l’autre des villes comme des bouchons sur l’onde fiévreuse. Ce vide astral qui nous entoure, cette fiole bleue dont le centre est partout et la circonférence nulle part, résonne de tous côtés. Elle nous sépare de nous-mêmes et nous y ramène avec les vents dominant au-dessus du Rio de la Plata. Quand on pense que tout pourrait tenir, tel un secret, amoureusement serré dans un petit flacon de parfum, coiffé d’un bouchon de cristal biseauté. Le romancier est traqué par l’exil, par l’absence et le goût pour la vérité. Il regarde les traces sur la rive boueuse. Il rêve en buvant son maté, puis il lance dans le fleuve une frêle ligne sans appât. Le fleuve s’écoule. Le temps passe. Tout a changé depuis des siècles et tout est toujours pareil. La Reconquista chasse les juifs d’Espagne et Hitler les chasse d’Europe. Partout les bateaux déversent des immigrés aux bagages remplis d’odeurs uniques et malaxées. Le romancier ne voit l’âme du monde qu’un court instant, et c’est au moment même où elle se décompose, comme le cadavre accéléré d’un aigle sur fond d’azur. Il sent en permanence, le vent frais de l’absence et de l’échec lui porter sur la base du cou. La position de son corps est aussi celle de son esprit. Après s’être retourné, après s’être assis sur la rive il sait bien qu’il lui faudra, avec la sincérité du pèlerin et celle du wattman, se pencher en avant pour écrire. Écrire pour qu’il y ait une deuxième fois. Écrire comme le héros tragique de ce film russe, qui éternellement ramasse une telle pierre. Il la soulève. Il la porte à son épaule et, de toutes ses forces, la jette au devant de lui dans le miroir étal d’une flaque d’eau jaune et sale. De quoi l’Homme vit-il, se demande en permanence le romancier ? Il vit de l’Homme, tout simplement. Il vit de sa vie d’homme parmi les Hommes. Vie qui l’emporte et qui le transit. Vie qui le brûle et le nourrit de formes, de goûts, de couleurs et d’odeurs aussi précieuses que fugaces, aussi bonnes que mauvaises ainsi que les airs du Rio de la Plata, fleurissant sur un ciel liquide où plongent les nuages et les vagues inversées. Dans le Grand Livre, tous les noms, tous les souvenirs, toutes les apparitions et toutes les disparitions se dirigent comme à l’abattoir. Mais chaque fois qu’on le rouvre, chaque fois ! Il s’en dégage un parfum unique et pénétrant, qui retombe en rosée sur les bords parallèles du monde, du fleuve et du nez déployant ses ailes. L’âme d’un homme, d’une enfant, d’une ville ou d’un roman ne se distille que goutte, à goutte, à goutte…
 
 
 
 
La Vierge d’Ensenada,  de Gabriel Báñez, traduit de l’espagnol (Argentine) par Frédéric Gross-Quélen, publié aux éditions La Dernière goutte, 2011. 
[Titre original : Virgen, Editorial Sudamericana, Buenos Aires 1998.]

merci Alain, merci et encore merci. ton texte est magnifique !
 

à propos de "Les enfants disparaissent"4

 

Gabriel Bañez, Les Enfants disparaissent.

 
Omnes vulnerant, ultima necat
Éric Bonnargent
 
 
« La première certitude fut la première de nos erreurs. »
Morris Kline, La fin de la certitude en mathématiques. Cité par Gabriel Bañez.
 
 
Écrivain, journaliste (directeur du supplément littéraire d’El Dia) et éditeur argentin, Gabriel Bañez est décédé l’année dernière à l’âge de 58 ans. Les Éditions de la Dernière Goutte permettent au lecteur français de découvrir petit à petit l’œuvre de ce grand écrivain, plusieurs fois primé.
Adapté au cinéma par Marcos Rodriguez, Les Enfants disparaissent est un roman d’une rare densité dont les phrases courtes et rythmées donnent l’impression au lecteur d’entendre le mécanisme d’une horloge. Le personnage principal, Macias Möll, est d’ailleurs horloger de son état. Paralytique, Macias, homme taciturne et solitaire, est passionné par son métier. Tout en méditant sur le temps et sur les paradoxes logiques que lui inspirent les livres de mathématiques, il manipule ces petits mécanismes délicats qui n’admettent pas la moindre imprécision. Il prend tout aussi soin de son fauteuil roulant car sa seconde passion est la course. Tous les soirs, à dix-huit heures, sous les clameurs des enfants du quartier venus assister au spectacle, il dévale à toute vitesse la pente face à son atelier :
 
« Les baisers et les étreintes des enfants l’entourèrent. Macias tira d’une poche des caramels qu’il jeta en l’air. Il se croyait sur le podium des vainqueurs, secouant une bouteille pour en faire sortir une pluie de champagne. Puis il se laissa emporter. Les gamins le trainèrent sur l’esplanade la plus élevée. Ils restèrent là à le contempler. Quand les cris et les ricanements se turent, il éleva les bras au ciel et dit comme pour lui-même : “Quatorze secondes ! Quatorze secondes !” Certains l’applaudirent. Les autres lui décochèrent au visage des papiers de caramel. »
 
Les quatorze secondes étaient un premier objectif, mais son but ultime est d’atteindre les douze secondes. Pour cela, soir après soir, rien n’est laissé au hasard : le fauteuil est minutieusement préparé et, lors de la descente, il n’oublie pas de fermer la bouche pour grignoter quelques centièmes de secondes sur son chrono de la veille. À chaque fois qu’il l’améliore, la joie des enfants est sa plus belle récompense. Seul, triste et désabusé, Macias trouve la force de vivre grâce à la foule joyeuse et innocente de ces gamins qu’il connaît tous. Chacun de leurs visages et de leurs noms sont gravés dans sa mémoire alors qu’il est incapable de se souvenir de qui et de quoi que ce soit :
 
« Une fois passé, le temps n’avait plus d’importance ; il l’oubliait. La mémoire servait à oublier, non à se souvenir. »
 
Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles si des enfants ne commençaient pas à disparaître après chacune de ses performances. Une descente, un enlèvement. D’abord soupçonné par la police qui, constatant son handicap, se rétracte, Macias est nommé presque malgré lui à la tête d’un conseil de quartier. Devenu un héros auprès des médias, il est reçu par le ministre et est même contacté par une agence publicitaire qui veut en faire sa nouvelle égérie pour une grande marque déodorant… Indifférent à cette agitation, Macias préfère se concentrer sur son objectif : douze secondes. L’opinion est, hélas, aussi versatile que le sable d’un sablier et, contre toute logique, Macias redevient le principal suspect. L’enquête piétine et malgré la présence permanente de l’armée et de la police sur les lieux, les disparitions succèdent toujours aux courses folles de Macias. Circulent les rumeurs les plus folles : l’implication de l’horloger, le trafic d’organes, les réseaux de prostitution et même des événements surnaturels…
À la manière de Roberto Bolaño, Gabriel Bañez joue avec le genre policier pour mieux dénoncer l’irrationalité du mal. Macias sait que la réalité n’a rien à voir avec une intrigue policière. Dans les films ou les romans policiers, le fil conducteur entre les crimes mène nécessairement à l’arrestation du coupable. La raison ne règne que dans les fictions et dans les ateliers des horlogers. Tout le monde voit bien qu’aux exploits de Macias succèdent des disparitions d’enfants, mais personne n’est capable de comprendre cette concomitance. Sans doute parce qu’il n’y a rien à comprendre. David Hume dénonçait en son temps le fâcheux réflexe qui consiste pour l’homme à croire que parce que deux événements se succèdent, il y aurait entre eux un lien nécessaire. La loi de causalité ne serait qu’un instinct que rien ne justifie vraiment ; c’est le principe du scepticisme humien. Comme le philosophe écossais, Macias sait que ce lien n’existe pas :
 
« Il n'y a rien à comprendre : les choses cessent d'être ce qu'elles sont au moment où elles cessent d'être ce qu'elles sont. »
 
Mais on ne peut rien contre cette habitude qu’ont les hommes de poser cette relation causale. Face à l’échec de la raison, la seule chose qui semble pouvoir arrêter ces crimes est que Macias cesse de dévaler la pente. Il s’y refuse et les conséquences seront dramatiques.
 
 
 
 
 
 
Gabriel Bañez, Les Enfants disparaissent. Éditions de la dernière goutte. 16 €
 
 
 
 
 
 
(Article initialement publié dans Le Magazine des Livres)
 

Les Enfants Diparaissent avant La Vierge d'Ensenada

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Les enfants Disparaissent

 

editions la dernière goutte

Les Enfants disparaissent
de Gabriel Báñez 
(Traduit de l'espagnol (Argentine) par Frédéric Gross-Quelen)






 
Date de parution : 21 janvier 2010
Nombre de pages : 187
Prix : 16 €
ISBN : 978-2-9530540-7-1
Genre : Roman


Le livre

Vieil horloger paralytique, Macias Möll a deux passions : réparer des montres et dévaler la pente de la petite place sur son fauteuil roulant avec l’objectif d’améliorer son chronomètre. Or, après chaque nouveau record, des parents signalent la disparition d’enfants. Les autorités ne tardent pas à s’intéresser à cet étrange phénomène qui projette, bien malgré lui, le discret horloger sur le devant de la scène.

Enigme policière doublée d’une réflexion sur la perception de la réalité, Les Enfants disparaissent est une puissante allégorie, satirique et acide, de la fuite du temps, de la perte de l’innocence et de la quête d’une liberté qui plonge ses racines dans les périodes les plus sombres de l’Argentine.

L’auteur

Ecrivain, journaliste et scénariste, Gabriel Báñez a passé sa vie à La Plata en Argentine. Personnalité discrète mais majeure de la vie littéraire argentine, il a obtenu de nombreuses récompenses pour son oeuvre, dont le prix Letra Sur en 2008. Les Enfants disparaissent a été adapté au cinéma et primé dans plusieurs festivals internationaux.

Le blog de Gabriel Báñez : http://cortey.blogspot.com

Actualité

Gabriel Báñez s'est suicidé au début du mois de juillet 2009. Il avait 58 ans. Ce grand auteur argentin, également journaliste et éditeur, était généreux, lucide, ironique et mordant. Il laisse une oeuvre foisonnante distinguée par des prix nationaux et internationaux, dont le prestigieux prix Letra Sur qui lui a été décerné en novembre 2008 pour La cisura de Rolando, son dernier roman. Deux de ses livres ont été adaptés au cinéma : Paredón, paredón, par le réalisateur Guillermo Palacios en 2005 et Les enfants disparaissent, par le réalisateur Marcos Rodriguez en 2008.

Intègre et chaleureux, Gabriel Báñez aimait l’écriture et détestait par-dessus tout les mesquineries de l’humaine comédie.

Passionné, amical et élégant, il a profondément honoré La dernière goutte en lui confiant quatre de ses romans.

Gracias, Gabriel.

 


“Un écrivain rigoureux et secret dont le goût prononcé du grotesque le range aux côtés des maîtres du genre, en particulier Roberto Arlt” (Mempo Giardinelli)



à propos de Gabriel et de La Dernière Goutte

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