Romancier et nouvelliste né en 1953, Mario Capasso vit à Villa Martelli, près de Buenos Aires.
L'immeuble [Broché]Mario Capasso (Auteur), Baladi (Illustrations), Isabelle Gugnon (Traduction)
Illustrateur: Baladi
Auteur de nombreuses bandes dessinées, parues entre autres à L’Association, chez Atrabile, à La Cafetière, aux Requins Marteaux, chez Delcourt et aux éditions The Hoochie Coochie, Baladi crée des univers foisonnants où l’étrange tutoie l’absurde. « Jacques Sternberg n’est pas mort, il vit en Argentine! Un roman hors normes tout en contorsions »
(Librairie L’Usage du monde – Strasbourg-Cronenbourg)
Mario Capasso, L'immeuble (La Dernière Goutte, novembre 2012, 20 € - ISBN 9782918619109)
Traduction Isabelle Gugnon
Un immeuble vivant selon son rythme propre, au gré de ses caprices auxquels son occupant, qui y travaille, doit se soumettre... Chaque jour est une surprise, chaque minute, chaque seconde. De métamorphose en catastrophe, de drame en éclat de rire, ce roman – qui peut rappeler à ses lecteurs l'univers de Jacques Sternberg – nous tient en haleine, ne ménageant aucune surprise, aucune volte-face... Au bout du compte, une réflexion effrayante sur l'humaine condition, celle qui nous détermine, qui nous contraint : mais heureusement, le rêve et le rire nous libèrent.
Un auteur à découvrir, dans une traduction fluide et belle : et puis, avant lui, tout un catalogue (celui de La Dernière Goutte) qui, de merveille en merveille, nous enrichit de lectures passionnantes, belles, bouleversantes.
L’Immeuble, de Mario Capasso – éd. La Dernière GouttePoser un pied dans L’Immeuble, c’est tomber dans un piège étourdissant. Un dédale insensé où les escaliers sont facétieux, où les couloirs jouent des tours aux marcheurs, où les portes ne servent parfois qu’à entrer, et où les toilettes se dissimulent sous les tapis, dans les armoires à pharmacie ou parfois même à l’intérieur d’autres toilettes. Sorte de super structure insaisissable, l’immeuble en question fonctionne comme un corps vivant, se transformant sans cesse, se dévoilant par bribes, sans jamais que le tableau ne soit complet ni cohérent. La lecture devient une exploration à la logique délirante, un cheminement spongieux. Chaque page révèle une nouvelle anfractuosité, une nouvelle surprise, au point que le foisonnement de ce roman organique demande parfois que l’on s’arrête un peu, histoire de reprendre notre souffle. Impossible de savoir comment est régi ce building-monde, qui a ses propres légendes et ses historiens : même s’il y travaille visiblement depuis un moment, le narrateur reste imprécis. Les employés semblent ne pas faire grand-chose dans leurs bureaux, les réunions sont prétextes à des débats farfelus. Ici, on est capable de mener une campagne politique pour décider du sens d’utilisation des escaliers, et ça peut même dégénérer en guerre sanglante – mais finalement assez ludique aussi. Quant à la hiérarchie, elle apparaît comme une entité floue, crainte et ignorée à la fois : “Les ordres du SUPER sont exécutés religieusement, même si nul ne sait au juste en quoi ils consistent.” A part s’envoyer en l’air et parler de foot, les hommes et les femmes ne font qu’errer, entre absurdité et fantasme. Tout en jeux de mots, en expressions détournées, en adjectifs inattendus et en comparaisons absconses, l’écriture sonore de l’écrivain argentin Mario Capasso, formidablement rendue en français par la traductrice Isabelle Gugnon, ondule en harmonie avec les circonvolutions de l’édifice. Cette géométrie de l’impossible rappelle bien sûr Franz Kafka ou Jacques Sternberg, mais possède aussi quelque chose de Pérec, de Gébé ou de Tex Avery. Ode à la liberté et à la transgression, le fourmillement des habitants de l’immeuble devient une allégorie politique, un monument à l’imagination, à l’insouciance et l’irrévérence. “Vous autres, les plus jeunes surtout, vous devez l’imiter et ne pas renoncer à la lutte, vous devez vous risquer dans les escaliers, ne jamais perdre l’espoir d’arriver quelque part.” EL EDIFICIO. TRADUIT DE L’ESPAGNOL (ARGENTINE) PAR ISABELLE GUGNON, NOVEMBRE 2012, 280 PAGES, 20 EUROS.☛ TELECHARGER UN EXTRAIT > de L’Immeuble : cliquer ici.
L’Immeuble est un texte joueur. On y entre comme Alice tombe au pays des cauchemars, sans savoir ce qui tient du vrai ou du faux, de réel ou de l’imaginaire, du premier degré ou du dix-huitième sens figuré. Au début, on tâtonne, on trébuche, on ne sait si le jeu de mot va nous ficher parterre ou nous élancer vers les sommets. Puis au fil des phrases et des paragraphes, on se rend compte que finalement, on saute de mot en mot comme de pierre en pierre et oui, on avance. On n’est pas bien sûr que chez Capasso avancer équivaut à aller de l’avant, mais les choses bougent, les mots prennent plus ou moins de sens et nous nous construisons un fil fictionnel à la lecture de cet univers.
« Dehors, la nuit tombait
et personne n’était sorti la soutenir. »
Entrer dans L’Immeuble revient à vivre une expérience tout à fait paradoxale. Un immeuble est sensé ne pas bouger, être fixe et posé. L’Immeuble, lui, est tout le contraire. Il est tout ce qu’il y a de plus meuble. Tout y est mouvant. Les portes à sens unique autant que les bureaux aimant se dégourdir les jambes et les tronçons de couloirs disparaissants. Les toilettes autant que les dossiers, les sentiments et les employés, ainsi que toutes les règles qu’on y croise ou les logiques qu’on effleure. Pourtant, le narrateur nous les explique tout à fait minutieusement, une par une, ou trois par huit, dans un ordre ou un autre, histoire de nous donner toutes les clés pour entrer dans cet Immeuble rocambolesque.
« Afin de ne pas rester les bras croisés,
on a croisé les jambes. »
Bien sûr, tous les aspects du « lieu de travail » y sont abordés. Le Super comme paroxysme de la hiérarchie inaccessible au point de ne pas arriver à savoir si elle existe vraiment, les employés passant plus de temps à essayer d’accéder à la photocopieuse, aux toilettes ou aux étages qu’à se pencher sur un dossier de toute façon oublié, ou encore les bruits de couloirs aussi vivants que l’activité sexuelle de L’Immeuble qui déborde des canalisations et des réservoirs.
Enfin, il nous arrive d’ailleurs, parfois même, de rire franchement! Le plus cocasse étant que l’humour est loin d’être la seule source du rire dans L’Immeuble. Il ne faut pas sous-estimer l’absurde, le surréalisme ni la déconstruction systématique de toute chose dont la banalité nous avait fait oublier son sens originel. Comment ne pas sourire à l’odeur cramée du dossier brûlant, la versatilité du miroir, la presque indéfectible fidélité de la zone d’influence, les bruits crémeux du Gros et du Maigre ou encore les conflits mineurs de moins de dix-huit ans.
Une chose seule est sûre ici : personne ne peut douter que Mario Capasso soit Argentin.
L’Immeuble, de Mario CAPASSO
Editions La Dernière Goutte, 2012, 277 pages.
Un article signé Lamalie
source: http://www.pariscilaculture.fr/2013/08/limmeuble-de-mario-capasso/l-immeuble-mario-capasso/ |
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