Matías Néspolo est né en 1975 dans une famille nombreuse à Buenos Aires. Il étudie les lettres et participe à la revue culturelle Boca de sapo. En 2001, il voyage à Barcelone sans motif précis, s’y installe et fonde sa famille.
Il gagne sa vie grâce à l’écriture, en particulier par son activité de journaliste culturel, collaborant avec diverses revues littéraires. Depuis quelques années il coordonne le supplément culturel Tendències de El Mundo. Il a publié en 2005 son premier livre de poèmes en langue espagnole : Antología seca de Green Hills. Certains de ses contes sont sortis dans des anthologies et il a participé à l’essai controversé intitulé Odio Barcelona (« Je déteste Barcelone ») qui apporte un regard critique, subversif et politiquement incorrect sur la capitale catalane. Il a reçu pour son premier roman Sept façons de tuer un chat des éloges enthousiastes de la part de la critique.
Sept façons de tuer un chat
Matías Néspolo (Auteur), Denise Laroutis (Traduction)
- Broché: 264 pages
- Editeur : Thierry Magnier Editions (4 avril 2012)
- Collection : Romans
Dans leur bidonville de la banlieue de Buenos Aires, le Gringo
et le Tordu en sont réduits à bouffer du chat. Aucun des deux
n'a de famille : le Tordu partage une cabane avec des paumés
ravagés par l'alcool ou la drogue, alors que le Gringo a eu la
chance d'être élevé par la vieille Mamina après l'assassinat de
sa mère. Tandis qu'aux limites du bidonville la révolte gronde
et qu'une grande manifestation se prépare, le Tordu entraîne le
Gringo dans le conflit qui va opposer deux bandes de dealers
pour le contrôle du territoire. Un roman noir à l'atmosphère
prenante, un récit nerveux, avec des moments de suspense
angoissant ou d'action implacable. Un style percutant, qui
utilise toutes les ressources du lunfardo, l'argot de Buenos
Aires. Ce roman a reçu un accueil exceptionnel en Argentine,
Espagne, Angleterre et aux Pays-Bas.
Sept façons de tuer un chat, Matías Néspolo
Ecrit par Cathy Garcia 10.06.12 dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Amérique Latine, Thierry Magnier
Sept façons de tuer un chat, trad. de l’espagnol (Argentine) par Denise Laroutis, 2012, 254 p. 22,30 €
Ecrivain(s): Matias Nespolo Edition: Thierry Magnier
Cette histoire est un premier roman plutôt réussi. Un récit nerveux, sec, dense et noir, qui laisse peu de place à la respiration, très vivant aussi grâce aux très nombreux dialogues dans lequel le traducteur retranscrit le style et le ton du lunfardo, l’argot de Buenos Aires. Le Gringo celui qui raconte et Chueco, le Tordu, son copain d’infortune, sont deux adolescents, mais l’âge ici a peu d’importance, on vit vite et on meurt tôt dans ce bidonville en périphérie de la capitale argentine. L’existence est un rouleau compresseur, misère, violence, corruption en guise de sainte trinité, et toute tentative pour sauter hors du bocal est vouée à l’échec. Pas d’espoir pour ceux et celles qui sont nés du mauvais côté, parents perdus très vite, la petite rapine de survie quand elle ne conduit pas au trou, mène en chute libre dans la guerre des dealers. Chueco le Tordu n’y échappera pas. L’amitié ici est fragile, à la merci de n’importe quelle trahison et l’amour n’y a pas sa place. Même sur le point de passer son bac, la jeune Délia dont Le Gringo est amoureux, n’échappera pas au droit de cuissage de Jetita, un chef de gang. Le trottoir et les coups sont la destination souvent finale des filles et femmes de ces quartiers. Drogues, alcool sont les seules et illusoires portes de sortie de cet enfer et Mamina, une vieille, pauvre mais courageuse femme, tente de redonner un peu de dignité à ces gamins de la rue en les recueillant et les élevant comme elle peut.
« Il y a des choses de Mamina que je ne comprends pas. Le travail inutile par exemple. Mais aussi les attitudes, les façons de réagir… plus je la connais, moins je la comprends. A l’heure qu’il est elle lave le trottoir à grandes eaux. Comme elle le fait un jour sur deux, religieusement. Qu’il pleuve, qu’il tonne ou qu’il grêle, elle lave sa portion de ciment jusqu’à ce qu’elle soit impeccable ».
Mamina sait bien que peu d’entre ses protégés ne la décevront pas. Le Gringo aimerait bien en faire partie mais comment échapper à la fatalité qui vous poursuit et vous mord au talon pire qu’un chien enragé ? C’est dans un livre qu’il cherche une réponse, un livre que Le Gringo a acheté dans une librairie avec le gain d’un larcin qui coûtera très cher.
« Je ne sais pas ce que je fous, là. Je n’ai jamais lu un livre de ma vie et maintenant j’en achète un. Le comble : c’est donné et je voulais seulement dépenser mon fric ».
Un livre qui l’accompagnera comme quelque chose que l’on poursuit et qu’on n’atteindra jamais : la baleine blanche de Moby Dick.
« Qu’est-ce que je fais ? J’ouvre le livre comme pour y chercher un conseil, en me demandant ce qu’il va me raconter, l’Ismaël, et il me sert une des ses salades… »
En parallèle de cette vie de misère où on en est réduit à bouffer du chat, se prépare en ville une grande manifestation contre le pouvoir en place, ce qui met l’accent sur le décalage entre ceux qui se veulent révolutionnaires, les étudiants, les travailleurs et ces laissés pour compte des bidonvilles qui dès leur plus jeune âge, s’ils l’atteignent, vivent et survivent la peur et la faim au ventre, le doigt sur la gâchette et le nez dans la merde, à des lieues de toute normalité où discours et idéaux auraient encore un sens. Cependant, il arrive un moment où les combats se rejoignent.
« (…) juste au moment où le mégaphone des flics nous ordonne de nous disperser. De dégager la route « gentiment » avant le départ de l’opération, dit le flic. Je connais cette voix. Elle ressemble beaucoup à celle que j’ai entendue l’autre nuit dans le talkie-walkie de Jetita. C’est le commissaire Zanetti, ce fils de la grande pute. Et son « gentiment » me rappelle ce que m’a dit Chueco il y a quelques jours. Cette réflexion qu’il a faite, qu’il y a sept façons de tuer un chat, mais, qu’à l’heure de la baston, il n’y a que deux façons qui vaillent, la gentille ou la dégueulasse. (…) C’est maintenant que le bal commence vraiment. Tout ce qu’il y a de gentiment… »
Cathy Garcia
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