"Iceberg memories" : l'Argentine en mémoire
Bouleversant roman que cet "Iceberg memories", oeuvre coup de poing, tout juste parue chez Actes Sud
Quatre voix de femmes (Mona, ses deux filles Lisa et Katia, et sa soeur Luisa) racontent une histoire et une seule, celle d'une disparition.
Ce drame imaginaire s'inscrit dans la terrible lignée des vies brisées par la dictature des généraux en Argentine (1976-1983).
Mais il est aussi l'histoire singulière de deux soeurs, d'un exil et d'un départ sans retour.
Pourquoi la dictature argentine, plutôt qu'une autre ?
Comment Ophélie Jaësan, 31 ans, a-t-elle commencé à écrire ? Lorsqu'elle vivait dans le sud de la France, plus jeune, elle avait envoyé à Hubert Nyssen ses premiers poèmes. Et le fondateur d'Actes Sud l'a poussée à écrire un roman. "Je ne suis pas romancière", lui avait-elle dit. "Mais si", avait-il répondu. Il avait raison.
L'auteure ne s'est jamais rendue en Argentine, sujet de son second roman. Mais elle a avalé une "somme astronomique" de lectures, récits, archives du "Monde", sans compter les oeuvres des plus grands écrivains de ce pays d'Amérique latine: Jose Luis Borges, bien sûr, mais aussi l'immense poète Roberto Juarroz ("Les noms qui peuplent notre vie nous consolent peut-être de ce qui manque au centre exact de toute chose", "Poésie verticale").
Pourquoi a-t-elle choisi d'écrire sur cette terre si lointaine, et sur cette dictature-là ? "Parce que", nous-a-t-elle répondu, "plus encore qu'au Paraguay ou en Uruguay", également confrontés à des régimes sanglants, "il y a eu non seulement la volonté de tuer les opposants, mais de faire disparaître leurs traces" :"ils commençaient par les dépouiller de leur nom. C'était la mort sociale avant la mort physique."
Où passe la haine ?
Des disparitions qui continuent, longtemps après, à questionner les vivants. "Comment les morts nous hantent-ils ?", se demande la romancière. "Et où passe la haine ? Où est passée la haine de la seconde guerre mondiale, la haine qui animait les dictatures ? Elle continue, ailleurs." Et la romancière de rappeler, comme dans son livre, que les méthodes cheminent de pays en pays. Il y a une internationale de la torture, et de la répression, une sombre chaîne dont la France n'est pas absente. Se souvient-on que les généraux argentins s'inspiraient des méthodes de l'armée française en Algérie, quand ils balançaient dans la mer les cadavres des opposants ?
Dans sa ville de Nantes, Ophélie Jaësan qui se consacre exclusivement à l'écriture et à ses deux filles, de 7 ans et 16 mois, s'attelle désormais à son troisième roman. D'avance, on a envie de le recommander tant on a été séduit par celui-ci, bref comme une nouvelle, violent comme une tragédie.
-> "Iceberg memories" Ophélie Jaësan (Actes sud, un endroit où aller, 70 pages, 15 euros)
source: culture.france2.fr/livres/coups-de-coeur/Iceberg-memories-:-l-Argentine-pour-m%C3%A9moire-58621528.html
"Che", de Oesterheld et Breccia, est une biographie du révolutionnaire réalisée en 1968. Elle s'est écoulée à 60.000 exemplaires en étant distribuée sous le manteau pour échapper à la censure.
Cette biographie du Che fait partie de l'Histoire : interdite par la junte militaire argentine en 1973, certains originaux furent brûlés et le scénariste assassiné. Pour échapper à la censure, les auteurs cachèrent des planches dans leur jardin. 40 ans plus tard, elle ressort aujourd'hui en français et n'a pour ainsi dire pas vieilli.
Les dessins, en noir et blanc d'Enrique Breccia et de son père, Alberto, sont incroyablement actuel, allant de l'hyper-réalisme à l'expressionnisme. La narration en flashback et en voix-off, est saccadée, alternant descriptions et sentiments de Guevara, parfois à l'aide d'un simple mot. Résultat : un récit peu académique qui prend aux tripes, plus qu'il ne raconte. Mais il faut le remettre dans le contexte de l'époque: la BD s'adressait aux argentins (de nombreuses références à la vie quotidienne n'avaient donc pas besoin d'être explicitées) et traitait de la vie d'une icône révolutionnaire, dont les lecteurs connaissaient déjà tous les grandes lignes.
Che, de Oesterheld et Breccia, éditions Delcourt, 80 pages noir & blanc, 12,90 euros
source: http://www.latribune.fr/loisirs/livres-bd/20090920trib000424016/plus-qu-une-bd-un-document-historique.html
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