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Salaires de l'impie et autre poèmes

Par larouge • Gelman Juan • Dimanche 28/06/2009 • 0 commentaires  • Lu 1218 fois • Version imprimable

Salaires de l'impie et autre poèmes
de Juan Gelman (Auteur), Jean Portante (Traduction)





 
Poche Editeur : Editions PHI (19 juillet 2004)
Collection : GRAPHITI

Ce livre est en trois parties, écrites à différents moments de la vie pérégrine de l’auteur. Les deux dernières, qui représentent les trois/quarts de l’ouvrage, diffèrent de la première, avec des poèmes de plusieurs strophes, deux ou trois quatrains successifs, avant une longue série de sonnets libres. Autre particularité, la ponctuation en slash, comme ici où on peut penser à quelques roubayats d’Omar Khayyam :

où est la clé de ton cœur ?/
l’oiseau qui passa est mauvais/
à moi il n’a rien dit/
moi il m’a laissé tremblant/

où est ton cœur à présent ?
un arbre d’effroi danse/
je n’ai plus que des yeux qui ont faim
et une cruche sans eau/

sous le chant se trouve la voix/
sous la voix se trouve la feuille
que l’arbre a laissé
tomber de ma bouche/ (p.54)

Ce poème à part, les autres poèmes semblent hermétiques, contrairement à ceux la première partie qui détonne à tous points de vue. Car ici, la prosodie cède la place à des affirmations laconiques, à l’image de l’exergue qui ouvre le recueil : « la mort rapide est une punition très légère pour les impies. Tu mourras exilé, errant, loin du sol natal. Voilà le salaire qu’un impie mérite (Euripide) ». Le bannissement pour impiété peut se prendre aux sens social autant que spirituel, rappelant en cela l’aphorisme catholique « en dehors de l’Eglise, point de salut » qui s’adresse à l’impie, comme mise en garde ou comme condamnation. C’ est bien là l’esprit de ces textes.

Mysticisme : le thème de l’Autre

Le poète s’adresse explicitement à l’Autre ( quel qu’il soit, Dieu ou le Soi selon les points de vues ), qui titre cette tirade dont voici la seconde partie : « la nuit lève le soupçon des fous comme secret ou croix […] Je voudrais que tu prennes beaucoup de noms pour me nommer. Je ne connais rien d’autre que toi, moi en toi que je ne connais pas (p.16) ». Cela est relayé par Illusion, aux relents nettement alchimiques : « la pierre, pierre veut être, et moi, toi. La conscience de moi comme illusion que je suis un autre (p.26) ». On retrouve alors les mêmes interrogations et émerveillements laissés par quantités d’écrivains mystiques, arabes autant qu’européens au cours des siècles de l’Histoire : « qui es-tu, autre intime ? Les heures de ton corps font l’éternité (p.28) » ; « dans la déchirure de l’effroi tu perfectionnes ta lumière et je me souviens (p.35) » ; « âme qui à présent penses : dis pourquoi en amour la solitude est forme de la lumière (p.42) ».

La quête du verbe, celle du commandement divin, est également exprimée dans Portrait : « personne ne doit faire du bruit dans le cœur secret […] Depuis que je suis né je suis plein de vide de moi-même et ainsi j’apprends que la vérité la plus innocente est un destin (p.23) »… Dernière illustration, ce poème qui décrit les voies impénétrables de l’Autre, sa nature changeante et implacable, qui font du sujet précisément ce qu’il est : le sujet de l’Autre ( quoique sans atteindre l’incarnation apparemment ), ou encore l’animal de l’Autre, la même sensation qui jadis engendra la figure du centaure, un maître serti dans un corps qui regimbe, soit :

L’Animal (p.15)

Je cohabite avec un obscur animal.
Ce que je fais le jour, il le mange de nuit.
Ce que je fais de nuit, il le mange de jour.
La seule chose qu’il ne mange pas c’est ma mémoire.
Il s’acharne à palper la moindre de mes erreurs et de mes peurs.
Je ne le laisse pas dormir.
Je suis son obscur animal.

Philippe Cesse

source:  http://artslivres.com

 

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