Premières lignes
Extrait du prologue : Malgré ce qu'annonce son titre, ce livre n'est pas un roman d'espionnage. C'est un essai consacré à la lecture : un manuel d'utilisation pour s'orienter (ou se perdre d'un coeur léger) dans une littérature. Et pourtant, en arrière-plan de cette pratique secrète que nous appelons lecture, n'y a-t-il pas l'illusion ou le dessein sournois d'établir avec un livre, une oeuvre ou un auteur cette relation d'aventure et de suspense - faite d'incursions nocturnes, de serrures forcées et de clés volées - que nous connaissons de loin sous le nom d'espionnage ? Il y a bien longtemps que les pages des livres ne nous arrivent plus pliées; anachroniques - difficile d'imaginer un objet plus démodé -, les coupe-papier peinent à survivre, simples souvenirs de contrées touristiques frelatées. Mais lire n'est-il pas, ne continue-t-il pas d'être, cette manière de déchirer, de se glisser et de faire irruption dans un ordre serein et satisfait de lui-même, voué au silence, portes mi-closes et rideaux tirés ? Et le nom Borges, en plus de désigner l'écrivain le plus admiré de l'histoire de la littérature argentine, n'a-t-il pas été durant des décennies celui d'une marque de coffres-forts célèbres pour leur efficacité à dissimuler des trésors ? Identifier chez Jorge Luis Borges le facteur Borges, la propriété, l'empreinte digitale, la molécule qui fait que Borges est Borges et qui, libérée par la lecture, la traduction et les multiples formes de résonance s'acharnant sur l'auteur et sur son oeuvre depuis plus ou moins quarante ans, fait en outre que le monde devient chaque jour un peu plus borgésien : ce fut là le but initial de ce livre. Y avait-il la moindre possibilité de ne pas échouer ?
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