S'identifier - S'inscrire - Contact

Pierre contre ciseaux

Par larouge • Garland Inés • Lundi 24/03/2014 • 0 commentaires  • Lu 1101 fois • Version imprimable

 

Pierre contre ciseaux

Inès Garland , Sophie Hofnung 
  • Broché: 228 pages
  • Editeur : L'Ecole des Loisirs (5 mars 2014)
  • Aima habite à Buenos Aires. Chaque week-end, elle retrouve Carmen et Marito dans une île du delta. Avec eux, elle découvre la liberté, l'amour et la vie dure.

  • Mais le coup d'Etat du 24 mars 1976 et l'instauration d'un régime de terreur les éloignent. Le temps de l'innocence où on pouvait tout résoudre en jouant à pierre, feuille, ciseaux est révolu. Marito l'aide à ouvrir les yeux. Révoltée et amoureuse, Aima se dégage de la gangue familiale, de son égoïsme de nantis, découvre la lutte sociale, mais aussi le visage hideux de la violence politique. Et la tragédie s'invite dans leur vie.

  • Une magnifique histoire d'amours impossibles et de rêves qui se perdent dans les eaux troubles du fleuve et dans les heures noires de l'histoire de la dictature argentine.
  •  
Pierre contre ciseaux a reçu le prestigieux prix de l'Association de littérature jeunesse d'Argentine le désignant ainsi dans son pays comme meilleur roman jeunesse de l'année 2009. Par ailleurs, traduit en Allemagne en 2013, le roman a reçu un accueil très remarqué par la presse et le public Outre-Rhin.

Extrait

Le jour où j'ai fait la connaissance de Carmen et de Marito, le jardin de l'île s'était réveillé sous les eaux. Les arbres semblaient flotter tout droit, et les maisons sur pilotis des voisins, sur la rive d'en face, ressemblaient à des bêtes aquatiques perchées sur leurs grandes pattes. Je suis sortie sur la terrasse sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller mes parents. Je voulais aller jouer dans le jardin avant qu'ils ne voient le spectacle de la crue, car j'étais bien la seule à aimer les débordements du fleuve. Pour eux, ça voulait dire surélever les meubles et le frigidaire, puis rentrer à Buenos Aires. L'eau recouvrait cinq des dix marches de la maison. J'ai mesuré la profondeur : juste au-dessus du genou, parfait pour aller jouer au fond du jardin entre les mandariniers et les kumquats, là où les adultes ne mettaient les pieds que le dimanche soir, les mois d'hiver, pour remplir un panier de fruits à rapporter en ville. Je marchais à grands pas, les bras en balancier pour garder l'équilibre, frôlant l'eau du bout de mes doigts - de mes ailes, devrais-je plutôt dire : j'étais un immense oiseau sur le point de prendre son envol -, la boue glissait entre mes orteils et des brins d'herbe arrachés se collaient à mes jambes. Carmen était là, juste devant le grand canal. Je l'ai vue de loin, assise sur une branche, les pieds dans l'eau, comme si elle avait toujours été là. À ses pieds affleurait une autre fille, identique mais faite d'eau, et les deux souriaient comme le chat d'Alice au pays des merveilles. Quand je me suis approchée, la fille d'eau s'est brouillée, et celle qui était assise est descendue de la branche d'un bond. Elle était plus grande que moi. Elle portait un short sale et un tee-shirt à rayures qui m'avait appartenu et qui était trop court pour elle.
- On va demander à ma grand-mère qu'elle nous prépare le petit déjeuner, m'a-t-elle dit comme si elle parlait à une amie de toujours.
Puis elle s'est éloignée dans l'eau avec des airs de princesse, agitant comme des ailes ses bras maigres.
Sa confiance agissait comme un fil invisible qui m'aurait liée à elle et je l'ai suivie sans question.
- Maintenant je vais vivre ici, m'a-t-elle dit tandis que nous traversions la passerelle pour aller chez doña Ángela.
Doña Ángela était la mère de nos voisins de l'île et la grand-mère de Carmen. Elle vivait avec quatre de ses huit enfants dans une petite maison de l'autre côté du bras de rivière qui séparait notre terrain du leur. Je n'étais jamais allée là-bas et voilà que je traversais le petit pont suspendu derrière ma nouvelle amie, les yeux rivés sur sa tresse noire qui lui arrivait aux fesses et se balançait.
 

Archives par mois


liens amis