Pablo Krantz est un grand garçon (frisé) qui sourit peu. Mais quand il le fait, ses sourires sont précieux. Ils ont cette élégance désinvolte de ceux qui continuent à porter des costumes trois-pièces quand tout va à peu près mal. Cet exilé qui ne semble pourtant pas étranger à lui-même a quitté l'Argentine en janvier 2002 au pic d'une crise qui prenait sérieusement des airs de guerre civile. Il s'est naturellement rendu à Paris, dans cette ville où son père avait habité à la fin des années 1950, étudiant dans le génie nucléaire et qui n'allait jamais complètement se remettre de cette philosophie existentialiste dont Saint-Germain-des-Prés préserve le souvenir.
A Paris, Pablo Krantz a continué de faire ce qu'il faisait à Buenos Aires. Il a écrit, chanté et joué de la guitare. A la seule différence, qu'il l'a fait dans la langue de Gainsbourg. On pourrait établir des parallèles dans cette manière qu'ils ont chacun, le maître et l'élève, d'esquisser une mélodie comme s'ils chantaient à l'oreille de leur public, et aussi dans cet art de tordre la langue afin de lui redonner tout son sens au fil de formules jetées comme des slogans.
Traduits, les deux premiers recueils de nouvelles de Pablo Krantz gardent cette gravité absurde, ce sens de l'humour qui dit « Donnez-moi une voiture si rapide que mes souvenirs ne puissent la rattraper » (1997) et « Le matin où la loi de la gravitation a échoué » (2001). Pablo Krantz les a publiés presque en même temps que ses deux premiers albums, « Trop de temps nulle part » (1999) et « Les étrangers ne disent jamais adieu » (2001). En espagnol, il chantait d'une voix haute, probablement pour dominer un rock influencé autant par Sonic Youth, Violent Femmes que par les Pogues. Un mixte de noisy rock et de bastringue irlandais qui le ramenait à ses émois adolescents.
Né en 1970 à Buenos Aires, mais élevé de ses 2 semaines à ses 2 ans à Los Angeles, il a pris tout ce qu'il pouvait dans un pays longtemps coupé du reste du monde, Kinks, Stones, Joy Division, Velvet Underground, Bowie, Television, Richard Hell, Patti Smith puis Bob Dylan, Leonard Cohen et Nick Drake. Ses cours de guitare à 14 ans alternaient entre l'enseignement du classique et les reprises de ses héros. Mais, déjà, il avait le français à l'oreille. Placé dès le début de la junte militaire au pouvoir (1976-1983) dans une école franco-argentine, il a vécu cette langue comme un étrange objet de sonorités le sortant du quotidien.
Ecrire aujourd'hui en français lui permet paradoxalement d'aborder ses sentiments d'une manière frontale, même s'il les relève de dérision. Il ne faudrait pas dévoiler les secrets d'arrière-boutique. Mais pour un couplet gardé, il en faut dix à Pablo , pour fignoler cette matière qui n'est pas sa langue maternelle (la mère est psychanalyste, au passage). Et, en s'attardant de la sorte, lui trouver un mot plus juste que celui qui serait spontanément sorti en espagnol. Durant deux ans, Pablo Krantz a ainsi écrit les titres de son nouvel album « Les chansons d'amour ont ruiné ma vie ». S'il a mis autant de temps, lui qui traduisait « les Inrockuptibles » en trois jours (et trois nuits) pour sa version argentine, c'est qu'il a de front écrit le recueil de nouvelles « Le saint cleptomane et la fille au vagin doré » (édition Les Petits Matins, octobre 2005) et le roman d'aventures "Les héritiers (une aventure de Paul et Nadia)" (sortie en janvier 2007 chez Tournon) au milieu de ses autres activités de musicien. On pense notamment à ses deux albums avec Travis Bürki (Ü), « Après les dancings » (2002) et « La luge » (2004). Ensemble ils ont fait une cinquantaine de dates. Entre deux concerts qu'il faisait également à Paris sous son nom (Limonaire, Connétable) ou à Fribourg, Barcelone et Crozon, dans le Finistère Sud, Pablo se réfugiait, guitare électrique débranchée, dans sa salle de bains pour roder ses chansons pendant que sa compagne travaillait comme serveuse de nuit. D'une voix grave qu'il se découvrait avec le français, il a couché sur un mode narratif lardé d'images surréalistes des histoires qu'on se fait quand on a raté son heure de sommeil. Histoires de « mer qui n'en finit plus de n'en plus finir », de « Babel » et d'ensorceleuse au nom de légende (« Dalila »), d'eau et de terres au parfum biblique.
Il y a chez Pablo Krantz des « autoroutes brillantes qui ne mènent nulle part », des « tours du monde en quatre-vingts nuits » et des samedis soirs dont les rêves sont les cauchemars du lendemain. Il y a dans ces centaines de pistes de voix, de chœurs et de guitares qu'il a enregistrées entre Montrouge, Bagneux et Buenos Aires une manière de poser ses rêves à plat pour connaître véritablement la distance qui nous séparent d'eux. Une volonté d'être lucide pour savoir comment décrocher la lune… une fois qu'on sait où elle se trouve.
A Paris, Pablo Krantz a continué de faire ce qu'il faisait à Buenos Aires. Il a écrit, chanté et joué de la guitare. A la seule différence, qu'il l'a fait dans la langue de Gainsbourg. On pourrait établir des parallèles dans cette manière qu'ils ont chacun, le maître et l'élève, d'esquisser une mélodie comme s'ils chantaient à l'oreille de leur public, et aussi dans cet art de tordre la langue afin de lui redonner tout son sens au fil de formules jetées comme des slogans.
Traduits, les deux premiers recueils de nouvelles de Pablo Krantz gardent cette gravité absurde, ce sens de l'humour qui dit « Donnez-moi une voiture si rapide que mes souvenirs ne puissent la rattraper » (1997) et « Le matin où la loi de la gravitation a échoué » (2001). Pablo Krantz les a publiés presque en même temps que ses deux premiers albums, « Trop de temps nulle part » (1999) et « Les étrangers ne disent jamais adieu » (2001). En espagnol, il chantait d'une voix haute, probablement pour dominer un rock influencé autant par Sonic Youth, Violent Femmes que par les Pogues. Un mixte de noisy rock et de bastringue irlandais qui le ramenait à ses émois adolescents.
Né en 1970 à Buenos Aires, mais élevé de ses 2 semaines à ses 2 ans à Los Angeles, il a pris tout ce qu'il pouvait dans un pays longtemps coupé du reste du monde, Kinks, Stones, Joy Division, Velvet Underground, Bowie, Television, Richard Hell, Patti Smith puis Bob Dylan, Leonard Cohen et Nick Drake. Ses cours de guitare à 14 ans alternaient entre l'enseignement du classique et les reprises de ses héros. Mais, déjà, il avait le français à l'oreille. Placé dès le début de la junte militaire au pouvoir (1976-1983) dans une école franco-argentine, il a vécu cette langue comme un étrange objet de sonorités le sortant du quotidien.
Ecrire aujourd'hui en français lui permet paradoxalement d'aborder ses sentiments d'une manière frontale, même s'il les relève de dérision. Il ne faudrait pas dévoiler les secrets d'arrière-boutique. Mais pour un couplet gardé, il en faut dix à Pablo , pour fignoler cette matière qui n'est pas sa langue maternelle (la mère est psychanalyste, au passage). Et, en s'attardant de la sorte, lui trouver un mot plus juste que celui qui serait spontanément sorti en espagnol. Durant deux ans, Pablo Krantz a ainsi écrit les titres de son nouvel album « Les chansons d'amour ont ruiné ma vie ». S'il a mis autant de temps, lui qui traduisait « les Inrockuptibles » en trois jours (et trois nuits) pour sa version argentine, c'est qu'il a de front écrit le recueil de nouvelles « Le saint cleptomane et la fille au vagin doré » (édition Les Petits Matins, octobre 2005) et le roman d'aventures "Les héritiers (une aventure de Paul et Nadia)" (sortie en janvier 2007 chez Tournon) au milieu de ses autres activités de musicien. On pense notamment à ses deux albums avec Travis Bürki (Ü), « Après les dancings » (2002) et « La luge » (2004). Ensemble ils ont fait une cinquantaine de dates. Entre deux concerts qu'il faisait également à Paris sous son nom (Limonaire, Connétable) ou à Fribourg, Barcelone et Crozon, dans le Finistère Sud, Pablo se réfugiait, guitare électrique débranchée, dans sa salle de bains pour roder ses chansons pendant que sa compagne travaillait comme serveuse de nuit. D'une voix grave qu'il se découvrait avec le français, il a couché sur un mode narratif lardé d'images surréalistes des histoires qu'on se fait quand on a raté son heure de sommeil. Histoires de « mer qui n'en finit plus de n'en plus finir », de « Babel » et d'ensorceleuse au nom de légende (« Dalila »), d'eau et de terres au parfum biblique.
Il y a chez Pablo Krantz des « autoroutes brillantes qui ne mènent nulle part », des « tours du monde en quatre-vingts nuits » et des samedis soirs dont les rêves sont les cauchemars du lendemain. Il y a dans ces centaines de pistes de voix, de chœurs et de guitares qu'il a enregistrées entre Montrouge, Bagneux et Buenos Aires une manière de poser ses rêves à plat pour connaître véritablement la distance qui nous séparent d'eux. Une volonté d'être lucide pour savoir comment décrocher la lune… une fois qu'on sait où elle se trouve.
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