Mots-clés : livres
Le Prospectus
de César Aira (Auteur), Michel Lafon (Traduction)
Broché: 132 pages
Editeur : Christian Bourgois Editeur (5 octobre 2006)
Collection : LITT. ETR.
Une jeune actrice, Norma Traversini, rédige un prospectus pour informer les habitants de son quartier de sa décision d’ouvrir un atelier où ils pourront apprendre à mieux jouer leurs sentiments, afin d’” améliorer leur niveau de sincérité “, et donc leur vie. Peu à peu, le prospectus s’allonge, jusqu’à atteindre les dimensions d’un roman, ou plutôt d’une novelita,puisque c’est ainsi que César Aira baptise ses récits. La fiction quitte imperceptiblement les rues et lescafés de Flores, que hantent l’auteur et tant de ses personnages, pour se transformer en un roman colonial foisonnant, avec héros masqué, Anglaises persécutées, Thugs étrangleurs et machiavéliques officiers de l’armée des Indes. Le Prospectus, métamorphose d’une feuille volante en roman d’aventures, envolée de Buenos Aires jusqu’à lamystérieuse cité de Kali - via les réunions littéraires de Windson Manor et les rizières sélénites d’Islamabad -, constitue un des sommets de l’œuvre de César Aira.
premieres lignes:
Chers habitants de notre beau quartier de Flores, Si je m’adresse à vous par le biais d’un sympathique prospectus glissé sous votre porte, c’est pour vous faire parvenir mon humble proposition. Mais tout d’abord, je veux me présenter : je suis Norma Traversini, Professeur d’Art Scénique, diplômée du Conservatoire National d’Art Dramatique, Professeur d’Expression Corporelle, de Dessin, de Gymnastique, de Danse Jazz et de Contrôle Mental, et actrice amateur. J’ai vingt-quatre ans et une longue expérience des planches, vu que j’ai commencé avant de savoir lire et écrire : à six ans, j’ai intégré le Corps de Ballet Enfantin Permanent du Théâtre Colon. J’ai assuré une activité pédagogique bénévole au Centre Culturel Robert Arlt, dépendant du Comité de Quartier n° 6 (Flores), et j’ai participé au Groupe de Théâtre Enfantin «Le Baladin». Je passe sur mes activités en centres aérés et en colonies de vacances. Je vous dirai, en revanche, qu’il est tout à fait possible, Cher voisin, Chère voisine, que vous m’ayez vue plus d’une fois dans le quartier, en train d’attendre le bus, d’aller à un cours ou d’en revenir, de faire du lèche-vitrine ou, tout simplement, de me promener avec des amies, de prendre le thé à la traditionnelle confiteria San José, en face de la place, ou, encore plus souvent, à l’inévitable Pumper Nie. Tout cela, me semble-t-il, est de nature à instaurer entre nous un lien personnel, quotidien, familier si l’on veut et par conséquent clair et affectueux. Si je prends l’initiative de me présenter et d’établir un fugace circuit de communication publique, c’est pour vous faire part de l’ouverture de mon propre espace d’enseignement. Cette entreprise est le fruit d’une longue réflexion ; je n’ignore pas les difficultés qui m’attendent, pas plus que je ne les sous-estime, mais je les affronte avec le désir de rendre à la communauté au moins une part de ce que j’ai reçu de mes maîtres. C’est avec leur encouragement, et avec celui de ma famille et de mes proches, que j’écarte les doutes que pourrait susciter en moi cette nouvelle étape de ma vie, et que j’inaugure un atelier… Mais cela, je vais l’écrire selon les normes du classique prospectus : Atelier Lady Barbie D’Expression Dramatique 288 avenue Colonel Esteban Bonorino, 2e étage, appartement n° 8 Renseignements et inscriptions : sur place ou par téléphone, au 630-9445 (de 19 h à 21 h)