(Buenos Aires, 1899 — Genève, 1986). « À quoi bon le célébrer quand les Universités elles-mêmes le font ? La malchance d’être reconnu s’est abattue sur lui. Il méritait mieux. Il méritait de demeurer dans l’ombre, dans l’imperceptible, de rester aussi insaisissable et aussi impopulaire que la nuance. Là, il était chez lui. La consécration est la pire des punitions pour un écrivain en général, et tout spécialement pour un écrivain de son genre. À partir du moment où tout le monde le cite, on ne peut plus le citer, ou, si on le fait, on a l’impression de venir grossir la masse de ses “admirateurs”, de ses ennemis. Ceux qui veulent à tout prix lui rendre justice ne font en réalité que précipiter sa chute. Je m’arrête, car si je continuais sur ce ton, je finirais par m’apitoyer sur son sort. Or, on a toutes les raisons de supposer qu’il s’y emploie lui-même" (Émile Cioran, Exercices d’admiration, Éditions Gallimard, « Arcades », 1976).« Quelques faits ponctuent très fortement son existence : le voyage qu’il fit en Europe de 1914 à 1921 ; sa participation au mouvement ultraïste, qui influencera son premier recueil de poésie (Ferveur de Buenos Aires) ; sa collaboration à la revue Sur fondée par Victoria Ocampo ; son amitié pour Adolfo Bioy Casares, qui se matérialisera dans les recueils écrits en collaboration et dans le personnage de Bustos Domecq ; la haine farouche qu’il voua à Perón et enfin, en 1955, à la chute de celui-ci, le double événement dont il souligne l’ironie dans le “Poème des dons” : l’accession au poste de directeur de la Bibliothèque nationale, et la cécité presque complète qui le frappe. Le reste, serait-on tenté de dire, c’est l’œuvre à l’exclusion de tout : une œuvre commencée, avec les poèmes et Evaristo Carriego, sous le signe d’une étroite adhésion au “sentiment argentin” et à ses mythologies (le tango, Martín Fierro et les gauchos entre autres). S’y profile parallèlement un amour pour Buenos Aires, ses quartiers douteux ou limitrophes et son univers de mauvais garçons, qui ne se démentira jamais. Peu à peu, cependant, l’univers de Borges va se nuancer, s’enrichir d’autres formes, d’autres thèmes. Discussion, Histoire universelle de l’infamie, Histoire de l’éternité, et singulièrement “L’Approche d’Almotasim” marquent les premiers pas vers ce changement profond. En 1938, année de la mort de son père, Borges se blesse violemment à la tête (cet accident est le point de départ de la nouvelle “Le Sud”). Atteint d’une septicémie, il va durant sa convalescence aborder un nouveau monde: ce sera “Pierre Ménard, auteur du Quichotte” sorte de manifeste intime sur lequel s’appuie une bonne partie de l’œuvre à venir - et particulièrement les quatre très grands livres de Borges que sont Fiction, L’Aleph, Enquêtes, L’Auteur et autres textes. » (Gilles Quinsat, Encyclopœdia Universalis). Commentaires |
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