Gabriel Bañez, romancier culte de La Plata Je profite d’être un écrivain inaperçu Il vient de gagner le Primer Premio Internacional du roman « Letra Sur ». La Plata est le Macondo (lieu où se déroule Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez) de ses livres et de sa place dans le monde. Comme un désert. Gabriel Bañez voit ainsi la Capitale Fédérale, Buenos Aires. Gabriel Bañez né à La Plata est auteur d’une douzaine de livres, la majorité des romans avec des titres très suggestifs comme « Hacer el odio », « Paredón, paredón » ou « El curandero del cuarto oscuro ». Parler de son profil bas, de son absence du circuit d’exposition culturelle portègne et de génie occulte est déjà presque un lieu commun. Cependant Bañez a une longue vie comme journaliste dans les médias nationales et début Octobre a gagné le « Primer Premio Internacional de Novela « Letra Sur », avec La cisura de Rolando, qui se présente le mercredi 3 Décembre (2008) dans El Ateneo. Pendant la cérémonie de remise du prix qui a eu lieu à Puerto Madryn, avec comme toile de fond, la mer et les baleines. Il a dit que son roman conte l’histoire d’un enfant de dix ans, qui perd la parole et reste aphasique. Dans « Cultura », son dernier livre, il avait déjà un protagoniste dysfonctionnel, qui, divisé, avait recours à un portrait inspiré de l’usuel mariage entre la schizophrénie, les médicaments et cette aire connue bureaucratico-politique, qui, faute de meilleur nom s’appelle « Culture », dans les ministères, les intendances et dépendances publiques. Depuis mi-2006 il écrit avec perspicacité, sur les livres et l’actualité dans son blog http://cortey.blogspot.com/ - Êtes-vous un écrivain caché ou qui se cache ? - Un peu les deux, je crois. J’ai assez de difficultés pour entrer en communication avec autrui et il me coute encore plus participer aux événements, entretiens, tables rondes ou quelque soit l’événement. M’exposer m’inhibe beaucoup et je pense toujours la même chose : « Quelle chose importante puis-je dire ? » J’analyse un peu et très vite arrive à la conclusion : « Rien ». Ce qui m’a crée plus d’un problème. Il y a quelques années l’éditeur de « Octubre amarillo », la chronique sur le cas « Barreda » a décidé de les publier et de les présenter à la Foire du Livre de Buenos Aires. Il l’a fait mais moi, je n’ai pas assisté à la présentation de mon livre. Je crois qu’il était très fâché. Je ne sais plus quelle excuse j’avais donnée ce jour-là. Ces choses me paniquent. Mais plus que de phobie sociale il s’agit d’une tare. Disons que je suis un écrivain inaperçu. Mais cette place je la chéris énormément, il me reste l’anxiété. - Comment vous est venu l’idée d’écrire Cultura ? - Ça a surgi. On ne sait jamais, la création est un processus lent. Ce qui est certain est que plus qu’une parodie de la culture officielle « Cultura » est une version en milligrammes (médicamenteux) de cette culture. - A quel auteur pensez-vous quand vous écrivez ? - A aucun. Ou a mon autre lecteur. J’écris pour pouvoir continuer à me lire, pour vois de quoi il s’agit là. - La Plata apparait parfois dans votre écriture. Quelles relations avez vous avec la ville ? - Une relation polémique, affective, je veux dire. La plupart de mes histoires se déroulent à La Plata parce qu’elle manque de mythologie. La Plata est essai et Berisso, disons, est roman. La maquette en damiers qu’est La Plata me permet de romancer, c’est comme un désert de Buzzati avec lequel je peux commencer à construire mirages et personnages. Parfois je l’aime, parfois je la déteste. C’est comme une ville russe provinciale, très belle, espacée, avec de grandes avenues et édifices publics, et de sérieux problèmes d’identité. - Existe-t-il une théorie du roman de La Plata ? - Aucune idée. Peut-être existait-elle et je l’ai ruinée. Mais non, sérieusement, ce qu’il il y a eu – heureusement – sont des jalons aux quels il ne faut pas renoncer, comme l’inoubliable et énigmatique Benito Lynch ; expressions isolées de valeur comme Falcioni, Anastasiú ; des tentatives intéressantes pour référencer la ville, comme Pilar de Lusarreta ; et après des romanciers de passage qui ont mentionné la ville, mais aussi transcendants Walsh Rodolfo) ou Puig (Manuel) et d’autres. Parfois cela a abouti à une insinuation entre l’exotique et l’alternatif, comme avec Bioy, avec son photographe mineur vivant des aventures à La Plata (Un Photographe à La Plata de Adolfo Bioy Casares). Mais jamais ou presque jamais, la ville n’a été intégré comme protagoniste dans une œuvre narrative, sauf dans des cas exceptionnels, isolés. Heureusement, parce que dans le récit il n’y pas eu, comme en poésie, cet essai décadent pour camoufler les excellents poètes que cette ville a donnés , derrière une supposée école ou « théorie de La Plata ». Une stupidité narcissique. Heureusement la jeune et bonne poésie et la moins jeune de premier ordre à déjà compris ce pathétique projet de volaille. - Vos derniers romans ont un humour rare, entre ironie et résignation. Est-ce quelque chose de voulu ou qui surgit seulement au moment de l’écriture ? - C’est vrai, mais cela surgit naturellement, malgré moi. Remarque que en litanie, je me répète toujours le même lieu commun : l’humour est un recours du désespoir. Ou soit : le désespéré doit être moi, surement. Peut-être parce que j’ai une vision un tant désenchanté des choses. Ou parce que j’ai le regard un peu tordu, je ne sais pas. En revanche, en l’échec, en ça, oui, je crois. Disons que je suis un expert en la matière, en échec je me déplace plutôt bien. L’échec doit être le projet le plus authentique issu de la condition humaine, je lui accorde mon attention. Le risible ce sont les tentatives de le surmonter, le risible est la ferveur que la société d’aujourd’hui accorde à son contraire, le succès, ce petit mot de racine globale qui nous désigne « exit », qui nous indique : par ici la sortie.
Source: http://www.criticadigital.com.ar/impresa/index.php?secc=nota&nid=16175
À part Gabriel Garcia Marquez Adolfo Bioy Casares et Manuel Puig, les écrivains nommés ne sont pas traduits.
Traduction : Irene Meyer
Il m'est très sympathique cet auteur... merci, Irene, je ne connaissais pas.