Il était dix heures du soir et il faisait une chaleur suffocante. Le temps lourd, sans un souffle, pesait sur la forêt. Le ciel de charbon était de temps à autre déchiré à l'horizon par de sourds éclairs, mais l'orage grondant au sud était encore loin.
Sur un chemin au milieu des spartes blancs, Lancéolée avançait avec la lenteur générique des vipères. C'était une yarara magnifique, d'un mètre cinquante, aux flancs ornés d'une ligne noire bien découpée en dents de scie, écaille par écaille. Elle avançait en s'assurant de la sécurité du sol avec la langue, qui remplace parfaitement les doigts chez les ophidiens.
Elle allait à la chasse. En arrivant à une intersection, elle s'arrêta, se lova sans hâte, remua encore un moment en cherchant sa position et, après avoir ramené sa tête au niveau de ses anneaux, elle y posa la mâchoire inférieure et attendit immobile.
Les minutes s'écoulèrent une à une pendant cinq heures au terme desquelles elle continuait d'attendre, toujours immobile. Mauvaise nuit! Le jour commençait à poindre et elle allait se retirer quand elle changea d'idée. A l'est, sur le ciel pâle, une ombre immense se découpait.
Je voudrais passer près de la Maison, se dit la yarara. Cela fait dix jours que j'entends du bruit. Il faut ouvrir l'œil.
Et elle se dirigea prudemment vers l'ombre.
La maison à laquelle se référait Lancéolée était un vieux bâtiment de planches blanchies entouré de galeries. Autour s'élevaient deux ou trois hangars. Depuis des temps immémoriaux, le bâtiment était inhabité. Et maintenant on y entendait des bruits insolites, des coups métalliques, des hennissements de chevaux, tout un ensemble de choses qui révélaient à une lieue la présence de l'Homme. Mauvais signe...
lire la suite ici
Derniers commentaires
→ plus de commentaires