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Chronique des ordures

Par larouge • Dujovne Ortiz Alicia • Mardi 11/10/2011 • 0 commentaires  • Lu 1611 fois • Version imprimable

Chronique des ordures [Broché]
Alicia Dujovne Ortiz (Auteur) 





 
Broché
Editeur : Tango Bar (10 octobre 2011)


Plongée dans le monde des cartoneros de Buenos Aires, ces hommes et ces femmes qui fouillent dans les poubelles et dans les montagnes d'ordures aux portes de la ville.
C'est à la fois une enquête journalistique pour dénoncer le crime des policiers qui ont tué gratuitement un enfant, et un plaidoyer pour de nouvelles formes d'économies qui redonnent dignité à des centaines de millions d'habitants dans les bidonvilles du monde entier.
 

Il avait quinze ans, il venait d’arriver de sa province natale, Formosa, pour vivre chez sa sœur dans un bidonville aux alentours de Buenos Aires. Hormis le fait de s’appeler Diego, comme Diego Maradona, et Duarte, comme Eva Duarte de Peron, rien ne le destinait à devenir un symbole pour le peuple des cartoneros, ces hommes et ces femmes qui fouillent dans les poubelles de la ville, ou dans la montagne d’ordures de la localité de José Léon Suarez où cette histoire se déroule.

Ce soir de 2004, il est monté sur la montagne pestilentielle juste derrière sa cabane, avec Federico, son frère jumeau, même s’ils savaient que le Ceamse - l’entreprise qui gère les déchets - interdit d’aller fouiller pendant la nuit : Federico avait besoin de baskets pour l’école, alors ils se sont risqués.

Deux policiers étaient là. Aveuglés par les réflecteurs, les deux garçons se sont dissimulés sous des cartons, à quelque mètres l’un de l’autre. De sa cachette, Federico a pu voir l’un des policiers s’approcher, dénicher l’endroit où se cachait son frère et ordonner au conducteur de déverser sa benne : Diego s’est retrouvé enseveli sous plusieurs tonnes d’ordures.



En Argentine, cette histoire n’a pas fait la une des journaux. Alicia Dujovne Ortiz en a eu connaissance par des « leaders » cartoneros, dirigeants spontanés qui aident à organiser les coopératives de ramassage dont le travail consiste à trier des cartons et surtout des bouteilles en plastique. Ces ouvriers d’un nouveau genre ont appris à les moudre pour vendre la poudre à des entreprises de haute technologie. L’un de ces organisateurs étonnamment lucides, Lalo Paret, « cartonero depuis trois générations » comme il se définit lui-même, a guidé l’auteur de cette chronique dans des lieux rarement visités par le journalisme. Aujourd’hui familier des Pôles Sociaux qui réunissent des cartoneros argentins ou brésiliens, mais aussi indiens ou égyptiens, il est par ailleurs conseiller dans une quarantaine d’usines récupérées qui, suite à l’abandon de leurs propriétaires, ont adopté le principe de l’autogestion. Comme plus de 800 millions d’habitants des bidonvilles du monde entier, ils sont en train de créer, face au chômage, un nouvel ordre économique.

Cette initiation comprend une visite à la décharge clandestine de Campana, extension ouverte comme une plaie au beau milieu de la pampa, où des dizaines d’hommes presque nus, brûlés par le soleil, attendent les camions qui viennent vider sur place leur précieux contenu, pour entasser ensuite leur butin sous des tentes faites de haillons.

Elle passe également par une ascension à la décharge « légale », cette célèbre montagne où chaque jour, de 17 à 18 heures, 1 500 cartoneros s’arrachent les sacs poubelle que d’autres camions viennent de jeter, surveillés par la Bonaerense, une police qui a hérité la violence et le sadisme du temps de la dictature. Ainsi, le cas de Diego n’est unique que par l’atrocité de sa mort, mais il ne manque pas d’histoires d’enfants obligés par des policiers à « prendre un bain » dans les piscines remplies du jus des ordures.

Ce périple passe surtout la rencontre avec deux fortes femmes, Lorena et Alicia, cette dernière étant la sœur de Diego. Dans leurs bidonvilles bâtis sur des décharges abandonnées, elles développent des actions solidaires, se mettent à la tête des piquets de grève qui coupent les routes, et créent des centres culturels avec ateliers de théâtre, de peinture ou de poésie.



Le véritable combat d’Alicia Duarte est pourtant ailleurs : elle se bat pour que justice soit faite, même si le procès est bouclé depuis longtemps. Reproduit dans cette chronique, il montre le peu de poids que pèse le témoignage de deux petits basanés face à la puissance policière et surtout à celle de l’entreprise qui, liée au pouvoir politique, détient le gigantesque marché des ordures.

Le point de vue choisi par l’auteur est celui de l’étonnement. Vivant en France depuis des années, élevée dans une Argentine disparue qui se croyait vouée à un tout autre destin, Alicia Dujovne Ortiz interroge des cartoneros, mais aussi des chercheurs et des avocats devenus des experts en « ordurologie » - une spécialité qui cache bien des mystères. Elle s’insurge contre la cécité d’une classe moyenne qui ne veut pas voir le cartonero penché sur sa poubelle devant sa propre porte. Elle nous montre comment une révolte positive et une imagination pratique sont sources de vie. Et comment la crise argentine de 2001 a servi de laboratoire pour d’autres crises mondiales présentes et à venir.

source: http://www.tango-bar-editions.com/main/index.php?option=com_content&view=article&id=115%3Aqui-a-tue-diego-duarte-resume&catid=37&Itemid=59
 

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