Correspondances
Le blog livres de Marine Landrot
Be “Op Oloop”, là, ici et maintenant
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Pourquoi la notoriété de l'écrivain Juan Filloy, olibrius argentin mort en 2000 à presque 106 ans, n'a-t-elle jamais passé la frontière française ? Traduit par Céleste Desoille aux éditions Monsieur Toussaint Louverture, après 80 ans d'oubli, son livre Op Oloop est d'une drôlerie !
Ecrit dans les années 30, il se lit avec l'accent de Salvador Dali et les images de Luis Bunuel en tête. Essayez un peu avec ce passage : « La parole est une anomalie propice à l'homme. Les êtres lucides perçoivent cette déformation mentale comme une protubérance qui saille devant leur bouche. Constituée de concepts et de modulations, d'idées et de soupirs, de sensations et de fulgurances, la protubérance attire ou repousse. Si certains charlatans, capables d'expulser sans interruption par le cloaque verbal, sont de véritables spécimens tératologiques, l'intuition pure des sujets irrationnels est quant à elle un rare privilège. » Sigmund Freud apprécia, paraît-il, et se fendit d'une lettre de félicitations que l'écrivain exhiba fièrement à qui voulait y jeter un œil, jusqu'à la fin de sa mort.
Obsessionnel des chiffres (comme Juan Filloy qui n'écrivit que des livres dotés de titres à sept lettres, et composa des milliers de palindromes ) Op Oloop est un personnage pétri d'arrière-pensées, qui évalue, top chrono, les secondes de son existence où il vit réellement. C'est-à-dire finalement assez peu, comme tout un chacun, et ce constat désespérant donne le sourire, à la lecture de cette œuvre inclassable, très marquée par le surréalisme, souvent leste, diaboliquement grinçante. Etre là, ici et maintenant, telle est la philosophie d'Op Oloop, agité du bocal dont les divagations valent parfois mieux que la raison.
Ces mêmes années 30 ont inspiré le très contemporain Antoine Choplin, dont Le Héron de Guernica (éditions La Brune) raconte avec une gravité cendrée, la passion décalée d'un peintre pour les échassiers, en pleine guerre d'Espagne. Comme Op Oloop, Basilio semble avancer à reculons dans son temps, mais ses enjambées le mènent plus loin que les siens. La violence devient alors un décor de fond, transparent et vain, et la simplicité des êtres fait figure de force invincible dans l'ombre de Picasso, dont il tentera de contempler le Guernica, ses dessins de hérons sous le bras, ce personnage séduit par son humble entêtement. Et l'écriture de Choplin, par sa claire rugosité.
source: http://www.telerama.fr/livre/be-op-oloop-la-ici-et-maintenant,73806.php
Ecrit dans les années 30, il se lit avec l'accent de Salvador Dali et les images de Luis Bunuel en tête. Essayez un peu avec ce passage : « La parole est une anomalie propice à l'homme. Les êtres lucides perçoivent cette déformation mentale comme une protubérance qui saille devant leur bouche. Constituée de concepts et de modulations, d'idées et de soupirs, de sensations et de fulgurances, la protubérance attire ou repousse. Si certains charlatans, capables d'expulser sans interruption par le cloaque verbal, sont de véritables spécimens tératologiques, l'intuition pure des sujets irrationnels est quant à elle un rare privilège. » Sigmund Freud apprécia, paraît-il, et se fendit d'une lettre de félicitations que l'écrivain exhiba fièrement à qui voulait y jeter un œil, jusqu'à la fin de sa mort.
Obsessionnel des chiffres (comme Juan Filloy qui n'écrivit que des livres dotés de titres à sept lettres, et composa des milliers de palindromes ) Op Oloop est un personnage pétri d'arrière-pensées, qui évalue, top chrono, les secondes de son existence où il vit réellement. C'est-à-dire finalement assez peu, comme tout un chacun, et ce constat désespérant donne le sourire, à la lecture de cette œuvre inclassable, très marquée par le surréalisme, souvent leste, diaboliquement grinçante. Etre là, ici et maintenant, telle est la philosophie d'Op Oloop, agité du bocal dont les divagations valent parfois mieux que la raison.
Ces mêmes années 30 ont inspiré le très contemporain Antoine Choplin, dont Le Héron de Guernica (éditions La Brune) raconte avec une gravité cendrée, la passion décalée d'un peintre pour les échassiers, en pleine guerre d'Espagne. Comme Op Oloop, Basilio semble avancer à reculons dans son temps, mais ses enjambées le mènent plus loin que les siens. La violence devient alors un décor de fond, transparent et vain, et la simplicité des êtres fait figure de force invincible dans l'ombre de Picasso, dont il tentera de contempler le Guernica, ses dessins de hérons sous le bras, ce personnage séduit par son humble entêtement. Et l'écriture de Choplin, par sa claire rugosité.
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