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à propos de "un voyou argentin"

Par larouge • Mallo Ernesto • Mercredi 31/10/2012 • 0 commentaires  • Lu 1023 fois • Version imprimable

 

Un voyou argentin, Ernesto Mallo

Ecrit par Yan Lespoux 22.04.12 dans La Une LivresLes LivresRecensionsRomanPolarsAmérique LatinePayot Rivages

Un voyou argentin, trad. de l’espagnol (argentin) par Olivier Hamilton, Mars 2012, 239 p. 8 €

Ecrivain(s): Ernesto Mallo Edition: Payot Rivages

Un voyou argentin, Ernesto Mallo

Deuxième volet de la série consacrée au policier Perro Lascano, Un voyou argentin fait suite à L’Aiguille dans la botte de foin, publié en France en 2009, qui s’achevait sur le meurtre putatif du héros.

L’officier de police Perro Lascano revient donc ici littéralement d’entre les morts dans une Argentine du début des années 1980, à peine sortie de la dictature, où la jeune démocratie peine encore à se frayer un chemin. C’est dans cette période trouble, dans une Buenos Aires où le passé traîne à chaque coin de rue que Lascano tente de mettre la main à la fois sur Topo Miranda, braqueur de banque, et son amour disparu, Eva, tandis qu’un jeune procureur déterminé qui compte aussi sur son aide voudrait faire tomber quelques anciens membres de la junte.

Roman choral tant du fait de l’utilisation d’un nombre assez important de protagonistes que de la variété des thèmes abordés, Un voyou argentin condense mille histoires en un peu plus de deux cents pages. Les périodes de transition démocratiques dans des pays qui s’extraient de la dictature sont en effet propices au développement de ce genres d’intrigues, mêlant les destinées personnelles parfois fulgurantes à la lente mise en place d’un processus où l’idéalisme et les grands principes côtoient désir de revanche, débrouille face à une situation économique compliquée et amnésie volontaire.

De fait, Lascano semble évoluer dans un pays qui, malgré les purges et les commissions d’enquête, avance lentement mais sûrement vers l’amnistie de bourreaux dont on ne peut pas définitivement se débarrasser, et vers l’oubli. Et, en fin de compte, son retour apparaît presque aussi embarrassant pour ses adversaires que pour ses alliés. Son combat contre les militaires et sa nouvelle enquête clandestine ravivent en effet des souvenirs douloureux que personne, si ce n’est le procureur Pereyra, n’a envie de regarder en face. Ainsi pense Fuseli, l’ami de Lascano qui a fui au Brésil :

« Ici c’est la vie, tandis que Buenos Aires n’est plus pour lui, et pour beaucoup d’autres, qu’un endroit imprégné, contaminé par l’horreur et la mort. C’est là-bas qu’est enterré son fils, une blessure incurable. C’est aussi là-bas qu’est resté Lascano, son grand ami, en plein milieu de la rue, descendu par un groupe d’intervention comme un chien. Sur les pavés doivent encore résonner les cris de ceux qu’on a torturés, de ceux qu’on a exécutés, des jeunes gens qu’on a balancés à la mer depuis un avion ainsi que les pleurs des pères, des mères, des amis, des amants à qui ils manqueront à jamais. Rentrer. Pour y retrouver qui ? Et avec qui ? Les assassins courent toujours les rues et se portent à merveille. Quand il repense à sa ville, il imagine un endroit où la nuit est définitivement tombée, et il ressent une drôle d’impression chaque fois qu’il se remémore son nom : Buenos Aires ».

À côté des destinés des hommes que l’on croise ici : Lascano, Pereyra, Miranda, Fuseli, Giribaldi l’ancien militaire, se dessinent aussi en creux de magnifiques portraits de femmes. Compagnes, mères ou maîtresses, elles semblent vouloir définitivement se tourner vers l’avenir, vers la vie, sans pour autant oublier le passé. Là où les hommes suivent un destin qu’ils estiment tracé, elles cherchent, elles, à bouleverser ce destin, à le prendre en main.

Roman sur l’oubli – sa nécessité comme son impossibilité –, sur la fidélité aux hommes comme aux idéaux, sur un pays qui veut changer tout en restant le même ; le tout sur un mode onirique, noir, désespéré et incisif, Un voyou argentin est incontestablement un bien bel ouvrage et Ernesto Mallo un auteur qui gagne à être connu.

 

Yan Lespoux

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