Rétrospective de Bernabé Lofuedo
Eduardo Berti
L’écrivain argentin Eduardo Berti joue les biographes en retraçant la vie du cinéaste Bernabé Lofeudo dans une Rétrospective entre vérité et mensonge.
Avez-vous déjà entendu parler de Bernabé Lofeudo ? Cinéaste argentin, il a connu son heure de gloire au cours des années 1920, âge d’or du cinéma muet. Ses oeuvres, Un été, Vie indécente ou encore Destination Valparaíso ont fait l’objet de nombreuses études dont la célèbre analyse de Ricardo Hofman, Sexe et morale chez Bernabé Lofeudo. Pendant de longues années, il forma, à la vie comme à l’écran, un tandem électrique avec la sulfureuse actrice, Nelly Marchi. Jusqu’en 1951, date à laquelle il fut emporté par une maladie foudroyante, il se voua tout entier au septième art, le plus souvent au détriment de sa vie personnelle. Son cinéma, miroir d’une existence hors du commun, suscite encore les plus vives polémiques. Restent à présent une poignée de biographies plus ou moins fidèles, une importante correspondance et surtout quelques-unes des oeuvres majeures du cinéma argentin du siècle dernier. Autant d’éléments dont s’est servi le romancier Eduardo Berti pour élaborer sa Rétrospective de Bernabé Lofeudo. Ce texte, brillant hommage au travail et à la vie du cinéaste, recèle mille et une anecdotes croustillantes tant sur ses tournages que sur sa relation avec Nelly Marchi. Nous avons assurément affaire à un artiste singulier. Que personne ou presque n’en ait jamais entendu parler - du moins avant cette Rétrospective - laisse tout de même songeur… Et si Bernabé Lofeudo n’avait jamais existé ? Supposons un instant que ce cinéaste plus vrai que nature ait été fabriqué de toutes pièces par Eduardo Berti. L’auteur est-il un crypto-épigone des Borges et Bioy Casares, qui publiaient en 1960 les Chroniques de Bustos Domecq, ce critique littéraire né de leur imagination qui n’écrivait qu’au sujet de livres inventés ? Dans Rétrospective de Bernabé Lofeudo, études, témoignages, filmographie sonnent incroyablement juste. Comment croire qu’il ne s’agisse que d’un habile trompe-l’oeil littéraire ? Si tel était le cas, cet ouvrage serait un véritable tour de force en même temps qu’un exercice savoureux nous permettant de découvrir la fausse vraie vie d’un monstre du cinéma argentin. Laquelle, de la réalité ou de la fiction, prend le pas sur l’autre ? Eduardo Berti ne le dit pas et c’est tant mieux. Il est parfois si doux de se laisser bercer d’illusions.
Par : Ellen Salvi
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