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à propos de "Les nuages"

Par larouge • Saer Juan Jose • Dimanche 19/07/2009 • 0 commentaires  • Lu 590 fois • Version imprimable

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etrangeté du vivre

Les Nuages de Juan-José Saer (2). Ce court roman présente la forme d'un "mémoire" dans lequel se trouvent scrupuleusement consignées, sous la plume d'un savant, le docteur Leal, les péripéties d'une expédition hasardeuse, qui, pendant tout le mois d'août et le début de septembre 1804, en plein hiver austral, conduit sur plus de cent lieues cinq fous d'une petite ville située sur la rive du Paraná à la Maison de Santé des environs de Buenos Aires où ils doivent être soignés. Le texte est d'un seul tenant, avec quelques rares anticipations. Pas un seul dialogue en style direct. Parfois, le discours est narrativisé. Le plus souvent, des phrases en style indirect. Et un nombre restreint de citations – à vrai dire explosives. Mais quel récit troublant !

Le chef de l'expédition, le Dr. Leal, et le Dr. Weiss, son maître vénéré, sont tous deux des esprits éclairés, de purs produits du siècle des lumières. Observation, réflexion, lecture des classiques et des modernes, rejet de toute superstition, esprit critique, ils sont aussi bien armés que l'on peut l'être à leur époque pour soigner la folie avec humanité.

Mais il y a l'incoercible démesure des fous, leur logique suicidaire, leur enfermement total. Cette démence qu'engendre la raison. Il y a la démesure du désert voué aux crues d'hiver, quand débordent le Paraná et ses affluents, au froid, aux incendies, aux vents, aux pluies. Il y a la solitude des hommes dans la plaine, et, soudain, saisis de vertige, ils se sentent comme étrangers à eux-mêmes, et dans un monde différent. Entraînés dans quel rêve ? L'expérience de la plaine immense pousse le Dr. Real à s'interroger sur "... cette absurdité qui nous avait fait exister sans raison, fragiles et périssables, sous la lune inexplicable et gelée". Le sentiment de l'étrangeté du vivre est-il un pas vers la folie ? D'ailleurs "il est difficile de savoir comment se comporte une personne, folle ou sensée, quand elle est seule".

La plaine interminable est-elle une métaphore de l'univers ? Dans ce cas, le voyageur, qui a l'air d'avancer, ne reste-t-il pas en fait immobile ? Et doit-on admettre que les nuages, toujours différents les uns des autres, et d'eux-mêmes, "s'évanouissent dans ce lieu que personne n'a jamais visité et que nous appelons le passé ?"

Des êtres oscillant entre la raison et la folie, un monde absurde gouverné par des lois mystérieuses, en proie au hasard, et sur lequel les humains n'ont pratiquement pas de prise, le passé qui nous échappe à jamais. Ambiguïtés, incertitudes du présent qui est le nôtre. Un humour pudique. Il y a dans tout cela comme un écho atténué et très précieux de Cervantès, une présence diffuse de son charme et de son magnétisme


extrait de l'article que vous pouvez lire ici


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