Les mouvements du silence
Gregorio Manzur
L’enseignement du non-parler,
l’efficacité du non-faire,
rien au monde ne saurait l’égaler.
A présent j’essaie d’orienter mes amis vers leur intério- rité. Qu’il s’agisse d’un débutant ou de quelqu’un ayant plusieurs années de pratique. Et cela, dès la première séance. Notre Moi est là, présent au fond de nous-mêmes. Il a toujours été vivant, agissant au-delà du temps. Car il ne naît pas et ne meurt jamais. Celui que le chan appelle « l’homme vrai sans conditions, sans mérites, sans qualites », c’est nous-memes.
Chacun de nous est essentiellement vrai. Et nous le savons. C’est comme notre impulsion de vie. Elle a été active lorsque nous habitions dans le ventre de notre mère, et elle vivra lorsque notre mère à tous, la Terre, nous conviera au calme.
Alors, quoi de plus simple que de s’adresser directement à l’essentiel du pratiquant ? A condition que je puisse, moi aussi, me centrer sur ce Moi-là. Si ma proposition vient de l’intérieur, la même profondeur du pratiquant devra, tôt ou tard, y répondre.
Tout se passe donc dans l’intensité de ce présent unique, lein, libéré de l’emprise du passé et des illusions de l’avenir. Libéré aussi du futur, car il charrie des chimères qui volent au pratiquant sa présence la plus lucide envers cet instant qui est en train d’avoir lieu.
Toutes mouillées
inclinées
pivoines sous la pluie.
Mais l’ego quotidien du pratiquant peut se rebiffer, se révolter contre ce qu’il considère comme une usurpation de ses droits légitimes, comme une intromission dans son domaine privé. Blessé dans son orgueil il se cramponne à son vieux petit monde, cherchant par tous les moyens à fuir la pratique, à nier toute autorité à l’enseignant. C’est à ce moment que le channa, la méditation assise, peut venir à son secours. L’examen de son esprit l’aidera à voir chacune de ses pensées, à observer les images qui le parcourent, tout en le conviant à ne pas les juger, à les laisser s’exprimer, à les écouter, patiemment, généreusement.
Alors l’esprit lui dévoilera sa grande richesse. Il lui montrera que parmi ses trésors se trouvent des instants de son enfance à jamais oubliés, des souffrances qui ont laissé des cicatrices profondes, des désirs non assouvis, des aspirations qui n’ont pas abouti ou d’autres qui en s’accomplissant lui ont permis, justement, de faire le travail qu’il fait en ce moment. Autrement dit, la concentration lui procurera la sérénité et le courage nécessaires pour se connaître lui-même en profondeur.
Tant la pratique dynamique que l’examen de l’esprit nous permettent de décanter notre, passé et d’éclaircir notre futur. Travail long et difficile. Eprouvant, même. Mais nous offrant à chaque étape la joie qui procure la libération vis-à-vis de nous-mêmes. Et vis-à-vis de nos semblables. Car la liberté individuelle ouvre forcément la porte à notre liberté au sein de la société.
Et cette patience envers nos colères, nos angoisses, nos appétits de toutes sortes fera qu’avec la même équanimité nous pourrons considérer les mille fluctuations de caractère des êtres qui nous entourent. Compréhension qui prend sa source dans notre corps de chair et d’os. Car notre démarche dans la pratique du tai-chi nous aura orientés vers ce corps, mini-univers aussi riche et exaltant que le grand cosmos dans lequel nous évoluons.
Voilà, donc, mon besoin de travailler les mouvements à partir de la Source. Alors ceux-ci, imprégnés de cette eau claire de l’ancienne sagesse, épouseront le naturel des vagues, des tourbillons du vent, de la lenteur changeante des nuages, de la sereine alternance des saisons.
Désires-tu la rigidité ? Tu l’obtiendras par la souplesse. Désires-tu la force ? Protège-la par la faiblesse. Pratique la souplesse et tu deviendras ferme. Exerce-toi dans la faiblesse et tu deviendras fort... La supériorité du doux étant en lui-même, il possède une puissance sans mesure.
source: www.nouvellescles.com
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