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à propos de "le plaisir de la captive"

Par larouge • Brizuela Leopoldo • Vendredi 19/06/2009 • 0 commentaires  • Lu 1262 fois • Version imprimable

Je ne comprends rien à l'Argentine : est-ce le tango, la gomina, la traite des Blanches, ou la pampa, le gauchos et les Patagons, ou Eva Peron, les dictateurs d'opérettes cruellissismes, ou est-ce tout à l'opposé le métaphysique Borges, si différent de cette littérature australe baroque et biscornue dont voici un nouvel exemple encore plus insensé : Le Plaisir de la captive, de Leopoldo Brizuela ? Avec une couverture, je ne vous dis pas, du vrai kitsch : un tableau, La Vuelta del Malon (« Le raid de l'Indien »), où un sauvage caracole torse nu, une lance dans une main, l'autre enlaçant une Blanche à demi nue, évanouie ou pâmée. Et c'est ce pays, le plus blanc de l'Amérique du Sud, qui semble le plus hanté par le souvenir de ces Mapuche, Yagans ou Araucans, massacrés jusqu'au dernier du temps où on avait le droit de les tirer comme des lapins, le temps de Joseph Popper, en photo dans le livre, Popper qui se tailla un éphémère royaume et battit monnaie.L'auteur a mis « récit » et non « roman » parce qu'il s'est inspiré de faits réels, notamment la reddition du dernier cacique, Araucan je crois, après des dizaines d'années de guerres acharnées et l'envoi de son petit-fils dans un collège religieux. Ce guerrier fabuleux (si j'ai bien compris) le héros du Plaisir de la captive, le deuxième récit, qui est ce que j'ai lu de plus sidérant, magique, fantastique, surréaliste, onirique et barbare depuis longtemps. Ah oui, il faut l'oser, et oser le résumer. Une adolescente fuit à cheval un groupe d'Indiens, mais comme dans un cauchemar on a l'impression de faire du surplace : quand elle fait halte, ses poursuivants bivouaquent aussi,et ainsi pendant des jours et des nuits jusqu'à ce que la fille impubère ait ses premières règles. Et alors, la chasse devient érotique sans cesser d'être cruelle : on coupe les talons des prisonnières. Cela m'a rappelé le récit, très prosaïque celui-là, d'un jeune Français du XIXe siècle : Deux Ans prisonnier des Patagons (réédité l'an dernier).Le troisième récit, le plus long, retrace dans la confusion de trente-huit témoignages différents la pitoyable fin du petit-fils métis du dernier cacique, Caterino Namuncura, qui a été élevé par les salésiens, emmené en Italie et présenté au pape. Mais, confit de bondieuseries, noyé dans la dévotion et la peur d'être rendu à ces diables d'Indiens qui le réclamaient, le gamin scrofuleux mourut tubard en 1905. J'ai surtout été captivé par une photo : un monsignore gras et libidineux qui tient la main du petit sauvage domestiqué. Ces surprenants Argentins réclament depuis lors la canonisation de ce « saint » (comme pour Eva Peron !).Charlie Hebdo, Michel Polac – 16 août 2006
source: www.jose-corti.fr




Si l'on connaît assez bien les Indiens (ou natifs américains) de l'Amérique du nord, ceux d'Argentine sont les parents pauvres de la littérature. Ce n'est pas le moindre mérite de Leopoldo Brizuela (né en 1963) que de rendre une dignité à ces vaincus, ces êtres farouches et frustres d'entre pampa et Terre de feu. Il nous livre là un recueil de nouvelles étranges, emplies de personnages exceptionnels. C'est ainsi que la « captive » blanche, bien qu'adolescente, saura tenir la dragée haute à ses poursuivants sauvages grâce à une stratégie née de l'observation de leurs mœurs de cavaliers nomades. Elle ne se donnera à celui qui la désire qu'au terme d'une course initiatique, avant d'être livrée au supplice rituel réservé aux captives : « ils lui arrachèrent minutieusement la plante des pieds ». Plus loin, dans une sorte de composition postmoderne et borgesienne, il faut à Brizuela « trente-huit témoignages » pour rendre compte d' « une vie imaginaire de Ceferino Namuncura ». Fils d'un cacique qui fut le dernier à être à la tête de la « Confédération indigène », il fut après la défaite, envoyé à Buenos Aires, fit des études religieuses au point d'être présenté au Pape, avant de mourir précocément. Presque sanctifié dans la mémoire des Argentins démunis, il est l'objet d'un mythe que tente de débrouiller l'écrivain. Est-ce un « monstre », ce qui nécessite de « tuer l'Indien en soi », ou un saint martyr ? Dans « Lune rouge », un chaman « gardien du feu » est le symbole de l'identité de ces peuples perdus… On sera sensible à l'écriture soignée, hautaine, en tout cas absolument évocatrice, de Brizuela.Le Matricule des Anges, Thierry Guinhut – septembre 2006
source: www.jose-corti.fr

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