S'identifier - S'inscrire - Contact

à propos de “le petit bossu”

Par larouge • Arlt Roberto • Vendredi 12/06/2009 • 0 commentaires  • Lu 638 fois • Version imprimable

  • Currently 0/5

Note : 0/5 (0 note)

« J’aurais aimé t’offrir un roman aimable comme un nuage rosé », explique Roberto Arlt à son épouse, mais, poursuit-il en exergue de ce recueil, « les êtres humains ressemblent davantage à des monstres qui pataugent dans les ténèbres qu’aux anges lumineux des histoires anciennes ». Les cinq nouvelles de l’écrivain argentin, né en 1900 et mort en 1942, présentées ici dégagent effectivement une forte odeur fétide. La perversité de la nature humaine accomplit sa besogne avec une délétère jouissance. Ainsi, dans Le Petit Bossu, un jeune galant éprouve le coeur de sa promise en l’obligeant à embrasser un avorton boiteux et difforme. Plus loin, récit d’un réalisme brutal, un proxénète, « plongé dans un long crépuscule qui n’avait plus rien de terrestre », se souvient de la femme aimée. Compagnon de voleurs et de violeurs, il décrit sa déchéance, qui le mène de geôles en bouges crasseux à consommer son morbide ennui. L’image n’est guère plus rassurante avec les nouvelles suivantes. Un phtisique attend sa mort dans un sanatorium, où, entouré de ses amis d’infortune, il lance des paris sur la dernière heure de ceux qui agonisent. Là encore, la figure de l’amante, qu’il a odieusement humiliée, revient sur ses lèvres sèches et malades. Dans Une sale nuit, toujours, le futur marié imagine son avenir à deux, « gris comme le fond d’un four », et préfère fuir ce « puits d’ordures et de monotonie » qui l’attend. Désoeuvrés, méchants, taciturnes, les narrateurs de Roberto Arlt sont agités d’obscures pulsions. Sous le soleil noir et infécond qui inonde les marges de ce Buenos Aires inédit, ils instrumentalisent leur propre destruction. En orchestrant leur délabrement mental -et la perdition de leurs proches- l’écrivain hisse ainsi l’homme au rang de grands fauves, guettés par la folie, et pour qui l’amour est une chimère impossible à rassasier.
Philippe Savary
© Le Matricule des Anges n°24, Septembre-Octobre 1998

Archives par mois


liens amis