La Cité des mots
Alberto Manguel
Essai -
Dante, Cervantès, Melville... Manguel raconte ses expériences de lecteur.
Alberto Manguel s'est inventé un métier : lecteur. Lire, lire, et offrir aux autres l'aventure de ses lectures, les convaincre que s'approprier un texte, c'est se mettre en chemin vers la liberté. D'année en année, de livre en livre, l'insatiable mangeur de mots s'est transformé en intarissable conteur. Les mots ont une vie, une histoire. Selon Manguel, le langage ne se borne pas à nommer la réalité, il lui confère son existence. D'ici ou d'ailleurs, les langues ont bâti la cité de l'humanité – elles sont notre foyer, notre maison.
Les histoires imaginées par Dante, Alfred Döblin, Cervantès, William Trevor, Herman Melville, et toutes les autres dont Manguel parle à plaisir, ne sont pas distraction, mais consolation. Elles ont le pouvoir de nous raconter qui nous sommes, de donner un sens à notre destin, de nous faire vivre ensemble. Loin de créer des frontières ou des ghettos, les histoires – fables, romans, récits – bannissent la propriété individuelle pour créer l'universalité, et rassemblent les hommes au-delà de leurs cultures, au-delà de leurs langues. La fiction, formidable terrain de jeux, devient terrain d'enjeux, poétiques et politiques.
Toujours aussi limpide et cocasse, l'écrivain argento-canadien polyglotte raconte son expérience de liseur, prône la lenteur, le silence, nous fait miroiter le bonheur du tête-à-tête avec un livre – et donc avec soi –, le bonheur d'effacer le temps mais pas la mémoire. Manguel, pédagogue au bagout irrésistible, s'en remet aux Méditations de Kafka : « Espérer sans conclure, bâtir sans gravir, c'est-à-dire savoir sans exiger la possession exclusive du savoir. » Manguel s'est inventé une maison dont les mots sont les hôtes. Ils nous ouvrent leur porte.
Martine Laval
Telerama n° 3079 - 17 janvier 2009
source: http://www.telerama.fr/livres
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