Le 05/08/09
Critique
L’Etoile rouge et le poète d’Alicia Dujovne-Ortiz (livre fourni par Obiwi)
Africa de las Heras. Si ce nom ne vous dit rien, normal. Cette militante communiste espagnole devenue agent du KGB est peu connue du grand public, notamment français, qui peut aujourd’hui la découvrir grâce au livre de l’Argentine Alicia Dujovne-Ortiz.
De Moscou à l’Amérique du Sud, cette espionne comme on croit n’en voir exister qu’au cinéma a travaillé pour les services secrets russes alors en pleine guerre froide avec les Etats-Unis. C’est sur sa vie et plus précisément sur son mariage avec l’écrivain uruguayen Felisberto Hernandez que revient l’auteur – déjà rodé à l’exercice de la biographie avec, entre autres, Eva Peron ou Dora Maar, prisonnière du regard (Grasset, 1995 et 2002) – dans un roman dense et étourdissant où espionnage et surréalisme font bon ménage.
Paris, 1947. Africa, chargée de mettre en place un réseau d’accueil d’espions soviétiques aux Etats-Unis, doit séduire le poète ouvertement anticommuniste Felisberto. Une couverture idéale pour cette ancienne milicienne espagnole entièrement dévouée à sa cause et obéissant aux ordres de son officier traitant qui, depuis son poste moscovite, réécrit l’histoire de ce couple improbable, nourri de faux semblants et de mensonges.
Autour de cette union fictive, les personnalités fortes d’Africa, femme caméléon au caractère insaisissable, et de Felisberto, écrivain halluciné aux mœurs sexuelles fantaisistes, se télescopent, donnant prétexte à un roman à mi-chemin entre réel et fiction où l'on croise, au hasard des chapitres, Trotski ou Frieda Kahlo. Les amateurs d’Histoire apprécieront de se plonger dans ces pages peu connues de l’ère soviétique, en ayant toujours à l’esprit de s’interroger sur ce qui tient ou non de l’imagination de l’auteur. Distinction difficile à établir tant Alicia Dujovne-Ortiz excelle à brouiller les pistes en imbriquant parfaitement les faits à la matière purement romanesque.
Roman d’espionnage, biographie historique, polar… il semble compliqué de donner une étiquette à cet ouvrage hybride dont la complexité peut désarmer le lecteur, qui plus est si ce dernier n’est pas passionné par ce monde de l’espionnage et du communisme sur lequel il s’appuie. On est un peu étourdi par la peinture de cet univers aux codes particuliers, parfois presque hermétiques, et de ses personnages – dont la description est pourtant réussie – auxquels on reste souvent étrangers. N’en demeure un sens certain du syncrétisme pour cette plume qui parvient à mêler les genres avec maîtrise.
Alicia DUJOVNE-ORTIZ, L'Etoile rouge et le poète, Editions Métailié, à paraître.
par fabienne
source: http://www.obiwi.fr/culture/lectures/83074-l-etoile-rouge-et-le-poete-d-alicia-dujovne-ortiz-livre-fourni-par-obiwi
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