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à propos de "L'anniversaire"

Par larouge • Saer Juan Jose • Dimanche 19/07/2009 • 0 commentaires  • Lu 592 fois • Version imprimable

Critique de le monde
Le 04 Novembre 1995
Autopsie d'un rien
Nous ne saurons jamais comment s'est déroulée la fête d'anniversaire du poète Jorge Washington, ancien militant anarchiste. Pendant une heure, serpentant les rues de Santa Fe lieu où Saer situe ses histoires et où reviennent toujours ses personnages , Angel Leto et le Mathématicien essaient de reconstituer cette célébration à laquelle ni l'un ni l'autre n'ont assisté. Le Mathématicien en fait le rapport d'après un témoin oculaire, introduisant dans sa chronique des souvenirs personnels, anecdotes, vieilles et futures histoires parallèles.Sur cette relation de seconde main, Juan José Saer bâtit tout un édifice de sous-entendus, de non-dits, d'images et d'angoisses qui traînent dans les têtes de ses personnages. Il use d'une écriture syncopée, au tempo de la vie, insinuation musicale comme une composition interrompue, altérée par le hasard ou l'accident : « Entendons-nous bien : comme il est supposé que nous sommes d'accord sur le fait que, la plupart du temps, l'évidence s'allume et s'éteint vite un peu au-delà, ou en deçà si l'on préfère, de ce qu'on appelle les mots, comme il est supposé que depuis le début nous sommes d'accord sur toutes choses, disons- le une dernière fois, bien que ce soit toujours la même, et que ce soit bien clair : tout cela n'est qu'à peu près et si l'on veut, et après tout qu'est-ce que ça peut faire ! »Juan José Saer est né en 1937 à Serodino dans cette terre plate les littérateurs l'appellent la pampa , où la géographie impose à l'homme sa totale désolation. Sorti un beau jour de chez lui acheter des cigarettes, Saer se retrouve en France « après les événements de mai », tient-il à préciser avec une pointe de regret. Depuis 1968, que ce soit dans ses poèmes ou dans ses romans, il ne cesse d'interroger la réalité incertaine, la toute-puissance de l'esprit et l'immobilité parfaite du temps.Récit inclassable, transparent et énigmatique à la fois, L'Anniversaire n'a rien à voir avec ce que l'on entend par littérature sud-américaine, expression aussi pratique qu'expéditive et inexacte. Loin de Carpentier ou de Garcia Marquez dans son écriture, Saer a peut-être voulu rendre un hommage à l'interlocuteur du Mathématicien, Leto, « Angel Leto, n'est-ce pas ? », qui, depuis des années déjà, vivant dans la clandestinité, s'est vu obligé, à cause d'une embuscade tendue par la police, à mordre enfin la capsule de cyanure que, pour des raisons de sécurité, les chefs de son organisation distribuent à leurs membres afin que, surpris par l'ennemi comme on dit, ils ne risquent pas de compromettre, pendant les séances de torture, l'ensemble du groupe.
RAMON CHAO
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