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à propos de "Deux hommes à l'affut"

Par larouge • Dal Masseto Antonio • Dimanche 21/06/2009 • 0 commentaires  • Lu 1356 fois • Version imprimable

Deux hommes à l'affût Editions du Seuil, juin 2001(titre original Hay unos tipos abajo, 1998)

La liesse populaire est à son comble en cette journée qui précède la finale de coupe du monde de football. Nous sommes en 1978, l'Argentine s'est qualifiée pour la finale et les prévisions vont bon train. Durant quelques heures, les Argentins semblent avoir oublié que la junte militaire qui les gouverne fait régner la terreur : libertés tronquées, disparitions mystérieuses, contrôles d'identité quotidiens, fouilles impromptues, arrestations par dizaines...En marge de cette atmosphère faussement festive (servant d'alibi au gouvernement face aux pays démocratiques) Pablo, petit journaliste à Buenos Aires, sombre dans la peur : Ana, sa petite amie, a cru apercevoir deux hommes qui le surveillaient, en bas de son immeuble. Pablo contrôle son angoisse, cherche réconfort auprès de ses amis, tente de savoir si, au fond, c'est bien lui que l'on épie... Jamais il ne s'est mêlé de politique, il n'est ni un rebelle, ni un héros et n'a rien à se "reprocher". Mais peu à peu, le doute cède le pas à la certitude, la peur à une paranoïa désordonnée, à la limite de l'absurde. La foule joyeuse lui apparaît soudain "comme une joyeuse mascarade dans la cour d'une prison" et les minces repères qui maintenaient son existence en ordre tombent les uns après les autres.Ce court roman décrit l'errance d'un homme aux prises avec un impalpable ennemi, sa propre peur ; Même s'il a conscience du grotesque de la situation, il se laisse pourtant entraîner sur la pente d'une terreur sans nom ; une peur indescriptible, contagieuse, entretenue par la seule présence de deux hommes quasi invisibles, qui se mettent pourtant à le hanter, tant ils incarnent l'omnipotence de l'appareil étatique.Le talent de l'auteur réside certainement dans sa capacité à établir un climat de suspense indéfini et insoutenable, une oppression fuyante de tout instant, parfois allégée par quelques scènes familières ou ordinaires, mais qui toujours resurgit, au détour d'une rue ou d'une rencontre. On l'aura compris, Dal Masetto cherche avant tout à dénoncer l'absurdité à sa racine, le régime dictatorial qui écrase les êtres ; mais il tente aussi de montrer à quel point l'équilibre psychique d'un individu peut être fragilisé, en l'espace de quelques heures, par la seule intrusion du doute dans son esprit et comment son entourage peut se transformer, comme lorsque Pablo rend visite à ses amis Sara et Roberto et leur apprend qu'il est surveillé (" Il eut soudain l'impression d'avoir détruit quelque chose et introduit une fausse note dans la maison"). Le comportement de son amie Ana n'est pas moins étrange : en quelque sorte instigatrice de l'angoisse au tout début du roman, elle paraît ensuite vouloir s'en éloigner et fuir Pablo, ou plutôt la peur que jusque là, ils ont partagée.Il est impossible de ne pas lire ce court roman d'une traite car ce maître argentin du suspense signe là un récit essentiel, entre existentialisme et roman noir, ancré dans un quotidien qui pourrait bien être le nôtre...
B. Longre

© http://www.sitartmag.com/dalmasetto.htm

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