Berazachussetts. Trad. de l’espagnol (argentin) par Hélène Serrano. 185 p. 16€. Octobre 2011. Éditions Asphalte
Ecrivain(s): Leandro Avalos Blacha
Difficile de résumer l’intrigue de ce roman. On se contentera de dire qu’à Berazachussets, sorte de Buenos Aires fantasmagorique, traînent des zombies amateurs de bière et des Misfits, des jeunes riches désœuvrés qui tournent des snuff-movies, des petites garces paralytiques qui font dans le chantage, des institutrices retraitées nymphomanes, et que, bien entendu, on ne décore pas la ville avec des jardinières mais avec des vitrines réfrigérées abritant des pingouins.
Il va sans dire que Leandro Ávalos Blacha nous propose là un roman détonnant, complètement loufoque et un rien foutraque. La critique enthousiaste – espérons-le pour l’auteur et son éditeur – aura sans doute tôt fait, c’est à la mode dès qu’un roman sort des sentiers battus et semble de prime abord n’avoir ni queue ni tête, de le comparer à un film de Tarantino ou de Roberto Rodriguez. Ce ne serait pas forcément lui faire honneur.
Car là où les réalisateurs en questions se contentent de pur entertainment, Blacha, lui, sous cette apparence de délire carnavalesque ou charivaresque où le grotesque est porté à son paroxysme, présente seulement une vision déformée d’une réalité argentine qui n’est pas forcément joyeuse. Corruption économique et morale des élites, creusement des inégalités, ravages causés par la débandade économique du début des années 2000… c’est tout cela qui passe par le prisme déformant de Berazachussetts. Et, là où Blacha est fort, c’est qu’il le fait sans emphase, sans se montrer moralisateur. D’ailleurs, il n’ira jamais chercher quelque motivation que ce soit à ses personnages. Ils agissent. Un point c’est tout. Que leur comportement soit amoral, odieux ou empreint d’une certaine noblesse, nul besoin d’en faire une quelconque analyse. Les actes et le contexte dans lequel ils sont placés parlent pour eux. Et si l’on doit vraiment comparer Blacha à un réalisateur, on le rapprochera plutôt, dans sa forme comme dans sa philosophie, d’un Joe Dante.
On se perdra parfois dans Berazachussetts et l’on pourra peut-être reprocher à l’auteur de nous engager dans des culs-de-sacs avant de nous propulser dans un autre lieu sans que l’on sache toujours pourquoi et avec un style parfois trop direct, comme si le roman était écrit au fil de la plume. C’est cependant bien peu de choses comparé au plaisir que l’on peut prendre à cette lecture si tant est que l’on accepte de se laisser mener par l’auteur sans chercher une logique sous-jacente. À conseiller aux esprits cartésiens repentis, aux amateurs de pingouins, à ceux qui se méfient du Téléthon, aux punks obèses, aux traumatisés de D&Co et de réunions Tupperware…
Yan Lespoux
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