Ángel Bonomini est mort il y a exactement dix ans. Auteur d’admirables nouvelles fantastiques, aujourd’hui considérées comme des classiques, admiré par des écrivains aussi grands que Borges et Bioy Casares, il commence seulement d’être traduit en français avec deux livres qui paraissent ce même mois :
– aux Éditions du Rocher, un recueil de nouvelles : Les lents éléphants de Milan (Los lentos elefantes de Milán), traduit par Silvia Baron Supervielle ;
– aux Éditions Arfuyen : Tours de silence (Torres para el silencio), suivi de De l’invisible et du visible (De lo oculto y lo manifiesto), également traduit par Silvia Baron Supervielle.
Ces deux recueils, respectivement parus en 1983 et en 1991, constituent la totalité d’une œuvre poétique tout à fois profondément spirituelle et marquée du sceau de l’étrange, qui évoque tout à la fois le paysage intérieur d’un Borgès comme celui de Juarroz.
Ángel Bonomini quête la lumière dans une contrée solitaire, profane, dévastée depuis des temps immémoriaux. De sorte que, partie du désert et se tenant volontairement à l’écart d’une spiritualité palpable, sa quête, qui se précise à mesure qu’elle s’écrit, acquiert de poème en poème une puissance intérieure exceptionnelle.
Son écriture nette, entrecoupée, déplace abruptement les éléments de leur contexte afin que la réalité devienne fiction et la fiction réalité.
Pour Bonomini, plus la vie est courante, plus elle est exceptionnellement singulière, et fatalement gouvernée par des lois secrètes. En cela, on ne peut s’empêcher de penser à Borges, et ce rapprochement s’impose avec d’autant plus de force que Borges a lui-même été frappé par la lecture de Bonomini.
Poète métaphysique tout au long de son œuvre, Ángel Bonomini, comme Léonard dans ses dessins, est extrêmement précis dans le trait et comme inachevé dans la figure. Celle-ci reste en suspens, derrière une brume ténue, part invisible et visible de l’homme, dont, subitement, il s’écarte pour contempler les êtres qui l’entourent. Pour cet écrivain fulgurant, dont le vol nocturne rend inoubliable la voix secrète, l’être se résume à une esquisse : « De tout ça se nourrit et meurt, / c’est là où repose / et œuvre cette façon d’être que nous sommes : / une simple possibilité / face à des renoncements infinis. »
Texte © Editions Arfuyen
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